j’ai repassé la nappe et les serviettes en damas, puis j’ai mis les poivrons au four, j’ai émincé les oignons très fins (les gens le font toujours trop grossièrement) et les ai mis à cuire, et j’ai fait griller les aubergines et les courgettes dans la poêle. J’ai haché les capres avec l’ail et la menthe, j’ai abaissé à la main la pâte à pain, je l’ai tartinée de pissalat, puis des oignons, quelques olives et hop au four à la place des poivrons rôtis, j’ai sorti les assiettes en Limoges et les couverts en argent, j’ai mis la table et tranché le pain, rempli la carafe d’eau, aillé le pain grillé que j’ai tartiné avec la tapenade, j’ai retiré la peau des poivrons refroidis, j’ai mis tous les légumes à mariner, j’ai préparé la salade de fruits,
je suis allé me doucher, je me suis maquillée et parfumée, j’ai enfilé ma jolie robe, je me suis assise sur le canapé pour les attendre, j’ai pris un livre, j’ai relu six fois la même phrase, j’ai reposé le livre,
ils ont sonné, je n’ai pas réagi tout de suite, je n’ai pas réagi du tout,
ils ont sonné de nouveau.je les entendais s’étonner derrière la porte, puis rire comme à une bonne blague, puis dire quand même ce n’est pas son genre. Ce « ce n’est pas son genre m’a remplie d’aise,
je souriais largement, assise sur mon canapé tandis qu’ils murmuraient de plus en plus fort de l’autre côté de la porte, se perdaient en conjectures face à cette porte close, elle a oublié, on s’est peut-être trompé de jour, elle a peut-être eu un malaise, je me suis demandé quelle serait la conduite à tenir s’ils appelaient les pompiers,
j’éprouvais une joie intense, ou plutôt une jubilation intense, j’ai retiré mes chaussures pour ne pas faire de bruit en marchant, je me suis glissée dans la cuisine, j’ai mangé une tartine à la tapenade, le pain n’était pas assez aillé, je les ai entendu partir déconfits,
ce fut comme si des tonnes de gravats me tombaient dessus, je regardais luire mes antipasti, mes pieds étaient scellés au sol, plus aucun geste n’était possible
J’ai adoré ce crescendo, ce suspens qui s’installe.
« j’ai pris un livre, j’ai relu six fois la même phrase, j’ai reposé le livre ».
Merci Catherine, Beaucoup aimé.
Merci Marie, un crescendo qui s’effondre!
Adoré ! Merci, Catherine.Ce dernier paragraphe !
Très réussi, Catherine, on y est. Merci
Merci beaucoup Emilie
Merci pour cette description soignée d’une cuisine soignée, d’un protocole d’invitation, et la stupéfaction, la pétrification de la narratrice! Oui c’est ça le coup de tête!
Une vrai nouvelle, j’ai adoré !