#anthologie #09 | détermination

Il fallait, ils disaient, ou ne disaient même pas, ils avaient tant dit, tant répété, tant fait comprendre, un métier il te faut, ils poussaient, ils affirmaient, ils savaient, un métier il te faut, alors quoi d’autre à faire, quoi d’autre à dire, rien à dire, rien à objecter, même si ce chemin je ne pouvais, je ne pouvais, ce chemin imposé, ce chemin non décidé, ce chemin imposé, je ne pouvais, comment aller dans un chemin étranger, comment avancer, quand poussée, comment marcher quand catapultée, comment parler quand voix emprisonnée, volée, quand bâillonnée, alors ce chemin, s’y retrouver, se retrouver pour mieux en être éjectée, non pas éjectée, rejetée, renversée, rejetée, chemin barré, chemin fermé, et revenir à la croisée sans croisée, se fracasser, se heurter, non pas  se heurter, se fracasser, laminée tu en sors, n’en sors pas de ce chemin dans lequel tu ne peux entrer, se cogner encore et encore, parce que pas d’autre alternative ils ont dit, parce que la seule porte ils ont dit, parce que là seulement commence la vie, et toi éternellement en purgatoire, et toi éternellement en suspens, suspens de vivre, et toi de n’avoir pas le choix, pas d’autre voix, pas d’autre voie, et toi d’en crever de ne pouvoir vivre, de n’être pas autorisée à vivre, alors un jour il a dit il faut parler, alors un soir vous êtes allés, et tu as parlé et ils n’ont pas écouté, alors un soir, il a parlé, il a parlé pour toi, il a dit c’est pas une vie, il a dit elle en crève, elle ne peut pas, elle ne veut pas, alors ils ont dit on ne savait pas, alors ils ont dit on va t’aider, alors ils dit on a compris, eux qui n’avaient rien compris, et tu es retournée te fracasser encore et encore, et tu t’es fracassée, tu t’es fracassée devant eux, il fallait bien qu’ils voient, il fallait bien qu’ils te voient, te voient au sol, alors ils ont dit c’est fini, arrête-toi, ils ont dit c’est fini, ne t’obstine pas, on ne savait pas, on ne voulait pas, alors tu pouvais batifoler, alors tu pouvais vivre, prendre un autre chemin, prendre n’importe quel chemin, tu n’avais pas à revenir au carrefour fermé, au carrefour dont on ne sort pas, où l’on n’entre pas, tu n’avais pas à te fracasser encore et encore, tu pouvais tourner le dos, tu pouvais partir gaiement, tu pouvait aller léger, tu pouvait décider, tu pouvais choisir ta vie, toi, et tous te disaient ça suffit, et tous t’autorisaient, et tu t’es demandée, oh pas longtemps, tu as dit non, tu as dit c’est là que je veux,  c’est là que je veux, non c’est pas que je veux, parce qu’un mot on t’avait soufflé, un mot nouveau, un mot qui soulève les montagnes, un mot qui demande de pousser, un mot qui demande d’agir, un mot qui dit qu’on ne reçoit pas, qu’on n’est pas élu, élu ou pas élu, un mot qui dit que c’est à soi, à soi de pousser, un mot, détermination, un mot qui sonne comme action, qui sonne comme libération, un mot qui tourne le dos à volonté, un mot qui ne sépare pas, qui n’exclut pas, un mot qui ne juge pas, un mot qui ne désigne pas, qui n’ostracise pas, un mot qui ne désigne pas en creux le velléitaire, celui qui ne peut pas, l’incapable, le faible, détermination il avait dit, s’arc-bouter j’ai entendu, continuer, ne pas renoncer, alors quand tout poussait à tourner le dos, à capituler, tu as décidé, ce chemin il s’ouvrirait, tu allais pousser, tu l’enfoncerais la porte, mais ce que tu  ignorais c’est que vous étiez deux à pousser, qu’un autre invisible était là avec ses forces vives, ses forces de vie qui innervaient ton corps, et que c’est à quatre bras, à quatre jambes, que vous poussiez. 

A propos de Betty Gomez

Lire certes, mais écrire...

Laisser un commentaire