j’ai pris l’avion sans
la prévenir, sur un coup de tête, j’avais peur qu’elle ne vienne pas mais lui, l’ami, je le vois tendre les bras dans le hall quand j’apparais et venir m’embrasser, me prendre un sac, pas le plus gros, il m’aide déjà beaucoup, en comblant mes silences avec ses questions qu’il se pose en fait à lui-même, à quel moment
– s’il y en a –
à quel moment il ne pense pas à celle qu’il a rencontrée il y a trois semaines à peine et qu’il embrasse chaque soir derrière le bâtiment où elle habite avec son mari en lui faisant des tas de promesses, ce soir, c’est sûr, c’est bien la dernière fois qu’ils se voient, ce soir
il me laisse sa chambre, m’indique où poser mes valises dans un coin qui ne dérange personne, mes valises pleines à craquer d’angoisses, celle d’être parti si tard, celle d’être revenu si vite à ma vie d’avant qui n’est plus vraiment la même, sans penser à autre chose qu’à la douleur qui me ronge le ventre jour et nuit et dans l’espoir qu’elle disparaisse d’un seul
coup de tête,
semblable à celui qui a tout foutu en l’air, un autre soir là-bas qui était un jour ici, un autre coup de tête, peut-être le seul, oui c’est ça, la seule petite bifurcation,
quelques mots lâchés entre deux prises de son sur un tournage médiocre, un dilemme que j’aurais pu avoir avec moi-même, je pars à Austin mais si je pars à Austin, je ne pars plus avec toi et je
pars
je lui parle des billets que je vais faire rembourser et
pars, je m’occupe de tout,
elle me dit ça si vite qu’elle se trompe, forcément, c’est ce que je pense là, qu’elle se trompe ou qu’elle se presse drôlement, elle dit tout ça sur un coup de tête, oui mais
c’est bien
le seul
dans cette histoire
j’adore vraiment ce titre !