#anthologie #09 | carton pâte

je me lève tôt, arriver à l’heure m’importe, le premier souvent, être celui qui entre le code secret dans la machine surveillante et hurlante, le chef est là parfois, dire bonjour, qu’est ce que tu vas faire aujourd’hui, tu as des rendez vous … je sais qu’il sait déjà tout ça, que cette nuit ou hier soir, enfin depuis qu’on s’est quittés, il a passé du temps à fouiller mon bureau, ouvrir les tiroirs, ouvrir mon ordi, enfin “il sait”, il “croit savoir” parce que j’ai mis un mouchard et des traquenards qui lui disent un peu de vrai et tant de faux et puis je fais la même chose dans son bureau quand je le trouve ouvert, elle est pas passionnante la vie ? alors je fais très attention à ne pas contredire les pistes sur lesquelles il a commencé sa journée, ce serait dommage mais
lundi, après un week-end ensoleillé et picnic sur le bord du canal, je me suis entendu lui révéler mes astuces et lui parler de la photo du garçon que j’avais trouvé dans son tiroir, mardi il m’a viré, mercredi je lui ai envoyé un avocat, jeudi je suis rentré à l’appartement, j’ai frôlé le bouton de la porte du placard qui s’est entr’ouverte lentement, je suis entré, je me suis senti grandir, grandir et rajeunir, rajeunir et tout là haut, j’ai vu des livres rangés comme mis là pour que personne ne puisse les voir ou s’en souvenir
dans celui à la couverture noire et orange, j’ai dansé au bal du 14 juillet 1940 au son du bandonéon, du tuba avec léon blum, edouard hériot, jean zay, georges mandel. maurice thorez, nous rions de la bonne farce que nous allons jouer à ceux qui disent plutôt hitler que le front populaire, nous rions jaune peut-être mais le mot d’ordre est bien ne pas se laisser faire, ne pas se laisser gâcher la vie par un chef fouineur ou par un nazillon de carton pâte.

A propos de bernard dudoignon

Ne pas laisser filer le temps, ne pas tout perdre, qu'il reste quelque chose. Vanité inouïe.

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