passionnément aimé passionnément aimé ramer à la dérive sur la Meuse compter les ponts le pont Legay le pont Chaussée le pont de la Galavaude et puis passionnément
aimé découvrir les rives d’autres fleuves et les rives d’autres lacs et leur courant spécial et leurs couleurs changeantes et leur nom surtout leur nom la Meurthe et la Moselle le Rhin la Saône la Garonne la Seine la Somme l’Isère le lac de Gérardmer le lac Léman le lac d’Annecy le lac de la Madine me fallait il écrire ici tous ces noms pour que ressurgisse dans ma mémoire effilochée le Danube l’ oubli
des eaux troubles du Danube maintenant ici en tapotant du bout des doigts les cases du clavier en voyant apparaître le grand D majuscule puis le Danube lui-même, en détachant les mots les uns des autres sur la ligne sur la page que je fais défiler à l’écran, je me rends compte à cet instant que c’est sur le chemin du retour, au retour de Belgrade, au retour d’un pays qui s’appelait encore la Yougoslavie, où la compétition fut rude, le fleuve agité et la finale des championnats remportée de justesse, nos quatre souffles n’en faisant plus qu’un, le souffle épique d’une équipe de France soudée, le souffle fluide athlétique déterminé absolument synchrone à l’air du temps et c’est seulement au retour, dans le bus, en laissant mon esprit dériver au fil des paysages mouvants que j’ai pris soudain ma décision
trop borné trop tracé trop plat l’avenir des rameuses dites prometteuses
fallait littéralement immédiatement m’ arracher de là, de ce qui avait fait pour moi famille depuis l’enfance, quitte à me déchirer un bout de peau de muscle ou d’os au passage
dans les faits, il m’a suffi de ne plus y retourner, au club, ni le lendemain, ni jamais