…l’aplat bleu de l’océan sur un tableau, quelques notes de musique échappées de la radio, une pomme de pin sur le sentier de la balade, cette douleur dans le dos qui se manifestait de manière intempestive, une photo retrouvée dans une vieille enveloppe, il suffisait de presque rien pour que je me retrouve hors de la vie, du temps présent, des habitudes ; dans cet entre-deux indescriptible où ne surgit aucune pensée aucune émotion aucune sensation, où exister serait seulement vibrer à l’unisson du vide sans rien provoquer, pas un souffle, pas un déplacement, comme une énergie qui s’ignore ; alors je savais que je l’avais franchie la porte du souvenir, que j’étais prête à sombrer de l’autre côté de l’univers, laissant la chambre à ses murs de pierre, à son plafond voûté, à son sol dallé de lave grise, à son lit blanc sur lequel je venais de m’allonger, je savais que j’allais retrouver les images de l’autre vie, la vie d’avant, la marche jusqu’aux Dentelles, les parties de cache-cache dans le bois de M., les veillées à la guitare, le méchoui sous les chênes, les déambulations dans Saint-Jean-Pied-de-Port, les longues siestes fenêtre ouverte dans l’hôtel de l’Empereur, les parties de tarot avec les voisins de palier, les discussions enfumées autour de la dernière décision de justice qui pourrait faire jurisprudence, l’apprentissage de la conduite dans la 4L toute neuve que nous avions baptisée Valentine…
J’adore l’idée de la porte du souvenir, et toute cette succession d’images qui défilent comme des photos qui s’envolent. J’adore. Merci Marlen.
Comme je suis touchée, Jean-Luc, sincèrement !
Quelle belle idée d’ouvrir cette porte-là, de la vie d’avant…
Elle s’est ouverte d’elle-même ! Merci Solange pour votre lecture.
« j’étais prête à sombrer de l’autre côté de l’univers »
une sensation que nous avons sûrement tous éprouvé
et je ressens beaucoup d’inquiétude et de nostalgie dans ce texte
(te retrouver chère Marlen)
Merci, Françoise ! De la nostalgie… avec beaucoup de distance toutefois maintenant… l’héritage du temps et de l’écriture…
C’est très beau, ces souvenirs qui reviennent mais à distance, presque sans affect, comme si le langage lui-même devenait à la fois lieu de découverte et de perte.
Bonjour Ahn Mat ! C’est cela, mais si bien dit par vous ! Merci !
dans cet entre-deux indescriptible où ne surgit aucune pensée aucune émotion aucune sensation, où exister serait seulement vibrer à l’unisson du vide sans rien provoquer, pas un souffle, pas un déplacement, comme une énergie qui s’ignore.
Une sensation tellement vraie, tellement agréable à vivre, comme l’envie de ne pas respirer, ne même pas faire battre son coeur pour ne pas briser le silence, la paix de l’atmosphère. A bientôt.
Oui, à bientôt, Clarence, avec un grand merci pour votre commentaire !
« où exister serait seulement vibrer à l’unisson du vide sans rien provoquer, pas un souffle, pas un déplacement, comme une énergie qui s’ignore… » Franchir cette porte du souvenir comme un glissement imperceptible. C’est beau . Merci
Oh ! Nathalie, oublié de répondre à ce commentaire, et comme il me fait plaisir…