#anthologie #08 | une porte sur…

…l’aplat bleu de l’océan sur un tableau, quelques notes de musique échappées de la radio, une pomme de pin sur le sentier de la balade, cette douleur dans le dos qui se manifestait de manière intempestive, une photo retrouvée dans une vieille enveloppe, il suffisait de presque rien pour que je me retrouve hors de la vie, du temps présent, des habitudes ; dans cet entre-deux indescriptible où ne surgit aucune pensée aucune émotion aucune sensation, où exister serait seulement vibrer à l’unisson du vide sans rien provoquer, pas un souffle, pas un déplacement, comme une énergie qui s’ignore ; alors je savais que je l’avais franchie la porte du souvenir, que j’étais prête à sombrer de l’autre côté de l’univers, laissant la chambre à ses murs de pierre, à son plafond voûté, à son sol dallé de lave grise, à son lit blanc sur lequel je venais de m’allonger, je savais que j’allais retrouver les images de l’autre vie, la vie d’avant, la marche jusqu’aux Dentelles, les parties de cache-cache dans le bois de M., les veillées à la guitare, le méchoui sous les chênes, les déambulations dans Saint-Jean-Pied-de-Port, les longues siestes fenêtre ouverte dans l’hôtel de l’Empereur, les parties de tarot avec les voisins de palier, les discussions enfumées autour de la dernière décision de justice qui pourrait faire jurisprudence, l’apprentissage de la conduite dans la 4L toute neuve que nous avions baptisée Valentine…

A propos de Marlen Sauvage

Journaliste longtemps. Puis dans l'édition. Puis animatrice d'ateliers après une formation Elisabeth Bing et DUAAE à Montpellier. J'anime encore quelques stages d'écriture, ai contribué aléatoirement au site des Cosaques des frontières, publié quelques livres – fictions et biofictions – participé à plusieurs ouvrages collectifs. Mon blog les ateliers du déluge.

12 commentaires à propos de “#anthologie #08 | une porte sur…”

  1. « j’étais prête à sombrer de l’autre côté de l’univers »
    une sensation que nous avons sûrement tous éprouvé
    et je ressens beaucoup d’inquiétude et de nostalgie dans ce texte

    (te retrouver chère Marlen)

  2. dans cet entre-deux indescriptible où ne surgit aucune pensée aucune émotion aucune sensation, où exister serait seulement vibrer à l’unisson du vide sans rien provoquer, pas un souffle, pas un déplacement, comme une énergie qui s’ignore.

    Une sensation tellement vraie, tellement agréable à vivre, comme l’envie de ne pas respirer, ne même pas faire battre son coeur pour ne pas briser le silence, la paix de l’atmosphère. A bientôt.

  3. « où exister serait seulement vibrer à l’unisson du vide sans rien provoquer, pas un souffle, pas un déplacement, comme une énergie qui s’ignore… » Franchir cette porte du souvenir comme un glissement imperceptible. C’est beau . Merci

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