#anthologie #07 | Soir et matin.

Mardi 25 juin, 22 heures

C’est devant la porte fenêtre que je m’empare de mon clavier afin d’y inscrire ces quelques mots. L’ombre de la nuit est sur le point d’envahir le ciel. Celui-ci n’est déjà plus bleu mais d’un gris bleuté parsemé de rose. A l’intérieur de ma chambre, je ne vois pratiquement plus. Je devine les couleurs des vêtements, l’image des tableaux et des cartes postales mais bien des coins sont déjà dans l’obscurité. Je n’allume pas, pas encore. Je laisse la nuit infiltrer chaque interstice. Les lettres blanchâtres inscrites sur un sac, les boutons argentés d’une veste, le rouge d’une chemise, le bleu vif d’une valise, bientôt, seront noyés. Dans la rue, un réverbère vient de s’allumer. Le tout premier dans mon bout de ville, presqu’un quartier. Et puis, un autre encore. Leur lumière dorée joue sur le gris de mon balcon. Au feu rouge, les phares d’une voiture brillent. Les arbres ne sont déjà plus verts. Dans ma chambre, tout finit par s’éteindre. Les lumières du parking s’illuminent. Je ne descend pas les volets, ni ne me cache derrière des rideaux. Le monde est à portée de mes yeux. Tout est sombre désormais. Depuis combien de temps suis-je là à écrire ? Quelques minutes, la moitié d’une heure ? La lumière du ciel éclaire le blanc du mur sur lequel ma tête est posée. Je me décide à y ajouter une lampe. Les ombres dessinent la rondeur du cintre, le col redressé d’une chemise, la longueur d’un pantalon.

Mercredi 23 juin. 6 heures

Un petit rayon de lumière danse dans mon armoire blanche. Petit tee-shirt pailleté, pantalon rose fuchsia se réveillent dans la douceur du soleil. Tout est déjà clair, je m’émerveille. Peu à peu, le rayon se fraie et dévoile son chemin. Je n’ai besoin de rien. Mon café crème reste dans l’ombre de ma table de chevet. Les réverbères de la rue se sont éteints. Les arbres ont retrouvé leurs verts. Le ciel presque blanc cherche sa couleur. Le toit des maisons s’illuminent. Les ombres des feuilles sur les murs captent la beauté. Lentement, le monde s’extrait de son sommeil. Le monde ? Non, mon petit bout de ville, presque mon quartier. Les couleurs de Rothko de mes cartes punaisées éclatent au-dessus de ma tête. Tout prend vie. Bientôt, je me lèverai et le silence se fera bruit. Mais que se passe t’il soudain ? Un nuage passe et affaiblit les rayons du matin. Déjà la lumière s’en va. Tout devient gris. Pas un gris de pluie mais d’un soleil que l’on cache. La tristesse m’envahit.

A propos de Clarence Massiani

J'entre au théâtre dès l'adolescence afin de me donner la parole et dire celle des autres. Je m'aventure au cinéma et à la télévision puis explore l'art de la narration et du collectage de la parole- Depuis 25 ans, je donne corps et voix à tous ces mots à travers des performances, spectacles et écritures littéraires. Publie dans la revue Nectart N°11 en juin 2020 : "l'art de collecter la parole et de rendre visible les invisibles" voir : Cairn, Nectart et son site clarencemassiani.com.

6 commentaires à propos de “#anthologie #07 | Soir et matin.”

  1. j’aime comment la lumière redessine le profil des vêtements dans l’ombre de la chambre et le mot « réverbère » indiquerait presque que tu écris depuis un siècle plus ancien !
    belle journée à toi Clarence, en espérant que ta tristesse se soit dissipée…

    • Merci Françoise, j’ai parlé d’une tristesse et je me rends compte après que c’est le lien direct entre l’ombre et la lumière extérieure qui se reflète à l’intérieur, enfin, je pense. Bonne journée à toi.

    • Bonjour Marien,

      J’ai vu que tu avais commenté beaucoup de mes textes et je t’en remercie vivement. Je vais prendre le temps de continuer à lire les tiens dans ce rythme effréné. Merci et à bientôt dans nos écrits.

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