#anthologie #08 | L’enfant du 7ème étage

L’enfant du 7ème étage

Le chien assis qui ouvrait sur les toits de Paris donnait à mon logis tout son pittoresque en été, mais s’avérait, dès les premiers froids, un inconvénient majeur pour qui avait son bureau d’étudiant sous cette fenêtre. En effet, celle-ci était équipée de vitrages bringuebalants et ne possédait pas de volets ; son store vénitien, aux lattes mal jointives, laissait passer le froid des vitres et la bise hivernale. De plus, la lumière des réverbères de la rue montait jusqu’à mon étage de sorte qu’il ne faisait jamais tout à fait noir dans la pièce. Nous étions en hiver et cette nuit-là, je dormais, d’un mauvais sommeil, car je ne parvenais pas à me réchauffer. Des éclats de voix et des cris me réveillèrent. J’ai d’abord cru qu’ils étaient dans mon rêve, mais non, ils venaient de la chambre voisine. Je m’assis dans mon lit, serrant mon duvet autour de mon cou, tout mon être tendu vers les bruits de l’étage. Je tremblais de froid, de peur aussi, car les cris étaient lugubres. Ils s’arrêtaient, repartaient, redoublaient et je me demandais ce qui était le plus inquiétant leur poussée ou le silence qui leur succédaient et faisait craindre ceux à venir. La cloison tremblait contre mon lit comme si un butoir la frappait par à-coups. Plus d’injures, mais toujours des sanglots, des cris, des supplications. J’étais tétanisée. Soudain, un rai de lumière naquit au bas de ma porte. Quelqu’un venait d’allumer le couloir. Mais la bagarre continuait. Ce n’était donc pas les protagonistes de la dispute qui avaient actionné la minuterie. Des grattements se firent entendre contre le bois de ma porte. Une souris, pensai-je. Comme ils insistaient, je collai mon oreille contre le battant, ils étaient accompagnés de cliquetis et de grincements qui m’intriguaient. Je me décidai à entrouvrir. Dans l’embrasure, je vis un petit garçon en vêtements de corps, pieds nus. Il était pâle, maigre, ses yeux étaient pleins de fièvre et il claquait des dents.

A propos de Emilie Kah

Après un parcours riche et dense, je jouis de ma retraite dans une propriété familiale non loin de Moissac (82). Mon compagnonnage avec la lecture et l’écriture est ancien. J’anime des ateliers d’écriture (Elisabeth Bing). Je pratique la lecture à voix haute, je chante aussi accompagnée par mon orgue de barbarie. Je suis auteur de neuf livres, tous à compte d’éditeur : un livre sur les paysages et la gastronomie du Lot et Garonne, six romans, un recueil de nouvelles érotiques, un récit hommage aux combattants d’Indochine.

4 commentaires à propos de “#anthologie #08 | L’enfant du 7ème étage”

  1. Merci à ma fidèle lectrice. Pour des raisons personnelles, je suis obsédée par une porte qu’on ouvre sur un petit garçon malheureux.

  2. on ressent le froid jusqu’à la pétrification et on ressent aussi le passé de la scène
    ce petit garçon nous apparaît à nous aussi et nous émeut
    merci Emilie
    (je vous découvre dans ce cycle mais ne vous avais pas encore commentée… à bientôt)

  3. Merci, Françoise de m’avoir lue. À la lecture de votre commentaire, j’ai relu mon texte et suis restée pétrifiée par le nombre de fautes d’orthographe. J’espère les avoir corrigées. J’ai manqué de temps hier ; ce n’est pas une excuse valable. Cette pause voulue par Mr Bon est salutaire pour l’inspiration et pour l’orthographe. Ainsi vous demeurez souvent dans les Cévennes que j’aime tant et dont vous parlez si bien.