Je jette rapidement un drap sur le canapé qui va me servir de lit pour cette nuit, une sorte de méridienne, qui je l’espère ne devrait pas vraiment différer d’un vrai lit. Dans l’état dans lequel je suis, n’importe quelle surface un peu molle fera l’affaire. Nous sommes en été, mais je ne pourrai pas me passer du plaid qui semble avoir été jeté précipitamment sur le seul fauteuil de la pièce. J’ai froid. L’appartement est en souplex, il faut prendre quelques marches pour y arriver. La température ne doit jamais monter très haut ni d’ailleurs ne descendre très bas, comme dans une cave. Le coin salon qui va me servir de couchage est installé dans la partie la plus sombre du loft, à l’opposé d’une bibliothèque couvrant un mur du sol au plafond. À croire que les propriétaires ne s’y installent que quand il fait déjà nuit, sans envisager la lumière du jour. Des lampes sur pieds ont été placées de part et d’autre du canapé. En tendant le bras assez loin sur le mur sur lequel celui-ci s’appuie, en tâtonnant, je trouve un interrupteur qui les allume toutes les deux. Je suis vidée. Je voudrais récupérer les moyens de penser à autre chose. Je m’allonge, je sens que le coussin qui me sert d’oreiller est trop ferme, mais les douleurs que j’ai aux pieds et aux chevilles sont trop aiguës pour que ce soit véritablement gênant. Je ne sais pas si j’arriverai à me lever demain matin. Je ferme les yeux, j’essaie de me concentrer sur ma respiration. Je pose mes lunettes au sol. Mon cœur bat vite. J’écoute les bruits de l’immeuble, des bruits de claquements ou de chocs dans les murs, des bruits d’impact principalement. Étrangement, ça me rassure. Je ne suis pas seule.
Mes paupières sont fermées depuis quelques minutes, mais il me semble percevoir de la lumière sur mon côté droit. J’ouvre les yeux. L’obscurité est totale. J’espère que le coup que j’ai reçu n’a pas provoqué de décollement de rétine. Je tente de me reconcentrer sur l’air qui sort de mon nez à chaque expiration. Il n’est pas facile de s’endormir dans des lieux qu’on ne connaît pas. La sensation luminescente revient. J’ai dû m’assoupir un peu. Les paupières réouvertes, je perçois un rai de lumière à côté de la bibliothèque. Il semble provenir d’un petit rideau de la même couleur que le mur. Je ne l’avais pas remarqué. Je devine une porte. Je me redresse d’un seul coup sur mon lit improvisé. Mes chevilles sont gonflées et extrêmement sensibles. Je ne pourrai pas marcher demain. La porte donne peut-être tout simplement sur un autre appartement. En me soulevant davantage, il semble que le rideau est plus sombre à sa base. Je ne vois pas très bien. Je cherche à récupérer mes lunettes en lançant mon bras droit vers le sol. Mes doigts rencontrent alors une surface liquide, froide. De l’eau je crois.
Il y en a bien déjà vingt centimètres.