Il y a toujours eu une porte dans la chambre, pour y entrer, pour en sortir. Depuis le lit, la porte se situe à droite, et la fenêtre à gauche. Il faut être sur son flanc gauche pour voir la porte, pour voir la fenêtre, quand on est couché. Les deux extrémités de la chambre sont donc bien définies par la présence de ces ouvertures. La fenêtre du premier ne peut permettre à personne de rentrer ou de sortir. Il y a bien la présence d’un arbre à la fenêtre qui pourrait donner l’accès à la chambre, mais l’arbre est chétif et ses branches ne semblent pas pouvoir soutenir le corps d’un homme. Point d’entrer par la fenêtre. Les entrées et les sorties, mais surtout les entrées, ne peuvent donc s’effectuer que par la droite quand on est couché sur le lit, sur son flanc gauche. C’est pour cette raison que l’impression vague d’une présence dans la chambre la nuit qui sembla m’éveiller provenant de la gauche plutôt que de la droite me fit me demander où se situait vraiment la porte, puisque c’est de la droite que j’aurais dû sentir cette présence. Si la présence était venue de la porte, je n’aurais pas eu à m’inquiéter outre mesure. L’identité de la personne était facile à déterminer. Et même si ce n’était pas lui, au moins la porte était à sa bonne place. Mais sentir une présence à gauche venait à me faire douter de la bonne place de la porte. Peut-être la porte n’était elle plus à droite. J’entrouvrais les yeux pour me rendre compte de la situation. La nuit dans la pièce empêchait toute vérification. De droite, comme de gauche, les meubles, les murs, tout était informe et muet. Sans la présence claire de l’armoire près de la porte, c’était donc moi qui n’étais pas à ma juste place. J’étais pourtant bien allongée sur mon flanc gauche, le long de mon bras, le bras aboutissant à la main avec laquelle j’écris, et je suis gauchère. L’idée me vint que j’avais tourné dans le lit, et que si j’étais sur mon flanc gauche, comme je l’étais bel et bien, alors j’étais face au mur, ce qui expliquait mon impossibilité de déterminer les formes de la chambre. Pourtant devant mes yeux que j’ouvris plus encore, ce n’était pas un pan de mur ; on sait lorsqu’on est devant un pan de mur, même la nuit, cette densité nette. L’autre explication qui se dessinait était que je ne dormais pas dans ma chambre et que la présence de cette personne dans la pièce, au-delà de n’être pas à l’endroit attendu, n’était pas la personne attendue non plus.