#anthologie #08 | La porte

#08 / La porte

Je faisais des rêves agités. Je l’avais pourtant bien remarquée cette petite porte juste au-dessus du lit lorsque j’avais emménagé dans ce meublé discret de la rue des Martyrs. Mais je n’y avais pas prêté beaucoup d’attention : j’avais tenté de l’ouvrir, sans succès puis je l’avais oubliée. Je me souvenais à peine de son existence. J’avais par ailleurs tout bien regardé dans la chambre, inspecté jusqu’à chaque latte du parquet et, tout étant en ordre, j’avais payé et m’étais installé. Cependant, je dormais mal. Les bruits de la rue montant comme une plainte et traversant mon sommeil, je me réveillais chaque nuit en sueur après de mauvais rêves. Une nuit que je veillais après une semaine de cauchemars qui m’avaient retourné l’esprit, je m’étais assise sur le lit, la tête entre les mains, à la manière d’une désespérée. Mais quoi, il est vrai que je n’arrivais plus à dormir. L’agitation et la rumeur de la rue étant beaucoup trop fortes. J’entendais les cris, discussions et chansons des gens sortant des restaurants du dessous. Bien que cela m’amusât au début, ce plein de vie que je trouvais agréable et joyeux, je commençais à regretter mes choix. Je réfléchissais à tout cela quand j’entendis un petit grincement dans la chambre. Je me levai d’un bond et je dressai l’oreille, tentant de comprendre d’où venait ce bruit et de l’isoler de ceux de la rue. Celui-ci se répéta à l’envi et je compris alors qu’il venait de derrière la porte en question. La petite poignée que je trouvais jolie, émaillée et décorée de fleurs bleues, s’était mise à trembler et faisait maintenant des petits demi-tours secs. Assurément, quelqu’un essayait de rentrer. J’entendais aussi un hoquet nerveux entrecoupé de jurons. De la rue, montait une clameur saoule. La ville était ivre. Et je ne dormais pas. Et la peur raidissait mes membres. Je fixais, tétanisée, cette poignée qui remuait, l’œil raide lui aussi. Je ne respirais presque plus et je sursautais à chaque hoquet qui scandait le réel de la situation. Il fallait agir… Mais voilà qu’à l’instant où je me décidais à chercher quelque chose pour bloquer la porte, celle-ci s’ouvrit, sous la force d’une grosse tête à chapeau de feutre. Et cric cric, les sons devinrent nets. L’homme empestait l’alcool et je me demandais, car il paraissait corpulent, s’il réussirait à passer la porte. Je voulais qu’il rebrousse chemin mais impossible, car il venait de passer les épaules, et comme en un accouchement, le reste viendrait…



Laisser un commentaire