Le ciel s’était voilé et j’avais allumé la lampe sur mon bureau. Son abat-jour était d’albâtre serti comme une verrière de la belle époque, avec des incrustations d’ambre en bordure, sa tige de bronze était une fleur de lotus fermée, son pied une feuille de nénuphar. Je ne sais combien de temps je restai encore plongé dans mon ouvrage. Comme je relevai les yeux, le jour me parut jaune par la fenêtre qui donnait sur un jardinet séparant la rue de la maison et pour protéger celle-ci, on l’avait munie de barreaux, alternativement droits et ondulés. Quelque chose, me dis-je, avais changé, mais je ne remarquai rien de précisément d’anormal. Le ciel même avait repris un aspect des plus banals.
Tournant le dos au jour, je traversai la pièce et manœuvrai le bouton de la porte ; je l’ouvris ; les meubles du séjour étaient tous renversés, éventrés, démolis, ils gisaient sous les gravats, le mur était tombé, les planches de l’armoire ne pourraient plus servir qu’à faire du feu, un seul battant restait de la porte-fenêtre, où des vitres éclatées ne subsistaient que des morceaux pointant en piques, en lames de faux, la bourre des coussins se répandait, des bouts de vaisselle, des livres écrasés jonchaient les tomettes qui n’étaient plus visibles, comme des flaques rouge brique, qu’aux rares emplacements où ne s’étalaient pas la poussière et les débris. Sur la voûte du ciel passaient de fins nuages.