#anthologie# 08 Fiction sans bord « Une porte s’ouvre et apparait sa nudité » par JeanYves LEBORGNE

#anthologie# 08 Fiction sans bord « Une porte s’ouvre et apparait sa nudité »

par Jean Yves LEBORGNE

La fin d’année survenue si vite presque à l’improviste

La nouvelle année suivante débute à peine. Traditionnellement échanges de vœux toute la semaine, beaucoup de gens et institutions vont reprendre leurs activités. C’est maintenant que ses congés à lui, débutent. Il travaille dans cette ville depuis deux ans

Détente playlist de jazz et bossanova en musique de fond, léger sentiment d’être désœuvré dans cet appartement.

La pièce qu’il occupe le plus souvent est grande et très lumineuse. Un brasseur d’air fonctionne et rafraîchit l’air.

La lumière extérieure inonde largement cette pièce grâce aux baies vitrées ouvertes qui laissent circuler la brise venant de l’océan au loin, en contrebas. L’appartement est en hauteur de morne et de plus situé en étage.

Sur le comptoir séparant l’espace cuisine, des magazines d’information récents, son gros trousseau de clés quelques verres de différents usages en attente. En congé soyons plus sociable s’est -il promis.  

Deux tasses taille de « mug » ; la cafetière et les filtres prêts à l’emploi.

Lui sirote un mélange Coca et rhum vieux Mount Gay de Barbados. Ce n’est pas l’heure de l’apéritif mais il fait chaud. Beaucoup de glaçons

La résidence est si calme. On s’assoupirait

Il a une quarante-cinq ans se sent libre. Il est divorcé depuis 10 ans et heureux de l’être. Il a rencontré quelqu’un de 10 ans plus jeune.

Il attend quelqu’un une femme Il n’est plus très sûr du jour. Ils n’avaient pas confirmé. Le projet restait incertain, un jeu de séduction osé et prudent à la fois.

Pour se faciliter la vie rien de mieux que des rituels. Les rituels rassurent.

Mais aujourd’hui pas de précipitation. Il n’est plus lié aux horaires de prise de poste et

ce congé qui débute se déguste

La grande bibliothèque en pin traité et vernis. Pas vraiment bien rangée mais il s’y retrouve et sait ce qu’il a en rayon. Dans l’attente il range par auteur ou par taille une rangée des ouvrages accumulés.

Puis retourne s’’allonger Sur la bibliothèque un espace accueille une reproduction miniature d’un voilier tout en bois et les voilures feuilles de bananes rigidifiées et peinte

Des pots décorés où se côtoient Bics, crayons, rame de papier, surligneur bleu orange, jaune et vert

Il déjeune ou dîne le plus souvent seul sur le comptoir de la cuisine ouverte à l’américaine le coin cuisine assaini par sa hotte filtrante camouflée. Il lui arrive de cuisiner et d’inviter.

Il lui a annoncé la naissance… Il avait dit quelques temps après :

—si je vous invite à prendre un café accepteriez-vous ?

—invitez-moi vous verrez.

Une épaisse nappe rouge recouvre la grande table dans la grande pièce ; ce jour des feuilles débordent d’une rame ouverte.

Des enveloppes de couleur violet pâle pour la correspondance privée des enveloppes et des timbres. Il ressent la fatigue accumulée, ses vacances sont les bienvenues.

L’appartement lui procure des sonorités ignorées ; il est rarement présent à cette heure de la journée de nouveaux mouvements dans les escaliers et les claquements de porte des voisins selon les étages

Le cerveau qui réclame presque une sieste le large canapé s’y prête ; deux fauteuils sont posés là en vis-à-vis massifs et larges d’assise, un peu bas, le dos est bien calé.

Il lui plait d’imaginer quelle sera le préambule l’imagination fait atténuer les affres plaisantes de l’attente

La porte s’ouvre après quatre petits coups brefs d’annonce Il est 11h 45

Un nouveau livre qu’elle lui amène de cet auteur dont ils suivent les publications régulières. Elle dispose des fleurs fraiches de son jardin dans un bocal qu’elle remplit d’eau. L’appartement va embaumer pour quelque temps et ses couleurs joyeuses enrichissent le décor

Il s’étire et se rendort

Certains traits de caractère aventureux voire fantasque ont filtré la retenue et la discrétion de rigueur dans leur situation. On reste encore intimidé.

Il l’invita pour n’importe quel jour de la semaine, n’importe quelle heure

—Surprenez-moi donc avait-il lancé.

Elle s’est annoncée par l’interphone, a pris les escaliers comme un tourbillon. La porte palière grince à peine la porte s’ouvre après des grattouillages : une partie de scrabble comme prétexte, elle semble maniérée avec la boite de jeu sous le bras, le dictionnaire de Scrabble dans un sac de plage transparent

Le temps de s’enlacer.

Il est 11h 45

Elle sonne à la porte, la porte s’ouvre. Elle porte une tenue de jogging, prête à faire quelques kilomètres dans des sous-bois bien ombrageux par cette chaleur. Elle crée des énigmes et des jeux de piste.

Sur la grande table un plan de l’île se répand, et s’étale comme une carte d’état-major pour réaliser un parcours de dégustation et de visite culturelle.

Se lancer et projeter un périple à deux, type chasse au trésor avec des indices dont elle a le secret. Il ne s’ennuiera guère avec elle Pleine d’imagination elle bouscule toute routine.

Paresseusement allongé dans le large canapé, il n’ouvre même pas les yeux il retourne à ses rêveries

Au loin la baie de F où ralentissent régulièrement les bateaux de croisière avant l’accostage, à portée de vue de la paire de jumelles

L’esprit se brouille. Viendra-t-elle ? A quelle heure ?

A-t-il entendu l’ascenseur ?

La lourde porte d’entrée s’ouvre doucement. Comment est-elle arrivée jusque -là ?

Mi-songe mi-réalité.

Les regards timides en diraient plus long puis se déroberaient peut-être comme pour s’excuser de s’être enhardi

—vous êtes gourmand ? Je suis votre gourmandise

Il s’assoupit

La porte sans bruit s’ouvre c’est le courant d’air ressenti la baie en face largement ouverte crée un courant fort à faire claquer violemment les portes.

La jeune femme d’une trentaine d’année est nue devant lui elle ne porte que ses lunettes de vue Il est 11h 45

Il avait déclaré en boutade lors d’un bref échange : « J’ai un faible pour les femmes à lunettes qui leur font une allure de sage intellectuelle »

Seule ses lunettes de vue encadrent son joli minois. A l’entrée elle a lancé ses ballerines d’un coup de chevilles.

Son sac est sans doute posé à même le sol sur le palier, elle a plié sa robe d’été qu’elle a posé dessus.

Elle se met au piano. Rapidement il acquière la certitude qu’elle est excitée par la transgression

Elle est nue comme un ver

—je voulais voir de près celui qui est devenu un grand-père, vous n’avez pas vraiment changé.

Il se frotte les yeux. Elle est nue, entourée de mystère et de possible.

Jean Yves LEBORGNE

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