Dans l’ancien lycée qu’on appelait la base, sa pièce à lui était au fond du couloir, à droite. Une pièce, en théorie un bureau, pas officiellement une chambre, mais le canapé servait bien plus souvent de lit, duvet étalé, que de canapé, duvet poussé en boule dans un coin. Une chaise pour table de nuit, la même chaise que devant la table devant la fenêtre, avec la vue sur l’eau ou sur la vase en fonction des heures de marée, la mer presque invisible, cachée derrière les piles de papiers, de bouquins, d’outils, de machins, de choses. Des choses encore partout, des amas, des boites, des caisses, sur des étagères, en tas sous le grand tableau blanc gribouillé dans tous les sens et dans toutes les couleurs. Tu es assise sur le canapé, pas de duvet roulé en boule, il l’avait emporté et le duvet non plus, on ne l’a pas retrouvé. Tu es assise sur le canapé, dans le silence, un silence qui, avant, n’a jamais eu sa place dans cette pièce. Tu es assise sur le canapé et tu regardes les murs, les étagères, les papiers scotchés un peu partout, les dessins, les mots, les boites de matériel, les plumes coincées un peu partout, les piles de magazines, le matériel photo, batteries, chargeurs, outils. Tu es assise sur le canapé et tu finis par regarder par terre parce que regarder tout ça, toutes ces choses qui gardent son empreinte, tu n’y arrives plus, et même de moins en moins avec les jours qui passent et passent sans nouvelles, avec les mines défaites de ceux qui rentrent au port sans lui. Et aujourd’hui, tes yeux posés par terre tombent sur les rayures du lino, des rayures en arc de cercle, sous l’étagère, sous les roulettes de l’étagère. Des roulettes que tu n’avais jamais ni vues ni soupçonnées, une porte que tu n’avais ni vue ni soupçonnée, une partie de lui que tu n’avais ni envisagée ni soupçonnée. Et tu vois sur les planches de ce placard, des pinceaux, des crayons, des crayons de toutes formes de toutes marques, mais toujours la mine grise, des porte-plumes, des plumes, de l’encre, des stylo-plumes, et à l’encre toujours noir, des dessins, des dessins, des dessins, et toujours des oiseaux. Et lui, en artiste