Par effraction j’ai ouvert cette porte. Et j’ai retrouvé moi-même suspendue. Temps de l’enfance dans cette chambre aux trois portes à double battant. Surprendre, courir et fuir trois portes pour jouer à cache-cache, a nascondino ou alors a acchiappino, jusqu’à ce qu’on ne m’arrête, ou simplement changer d’air. Ces portes en bois, couleur bois, une porte qui donne sur la chambre des parents et quand je l’ouvre je vois le premier fauteuil à fleurs qui cache l’autre, là où maman lit et travaille, et puis la deuxième porte, celle qui donne sur la camera degli ospiti, la chambre d’amis là où est la télévision et quand on est malade on l’ouvre grand cette porte, on ouvre les deux battants et on amène la télé dans notre chambre, et c’est là depuis cette porte là, qu’au lit avec les oreillons, j’ai vu le journal télé avec l’annonce de la mort de Aldo Moro. Et si je ferme cette porte et je l’ouvre à nouveau, je ne vois plus le journal télé en noir et blanc, la télé est éteinte et Aldo Moro n’a pas encore été kidnappé et je suis à nouveau en train de jouer, car oui, je change de chambre et je joue dans toutes les pièces et là dans cette camera degli ospiti o della televisione il y a une deuxième porte, et cette porte, comme la troisième porte de ma chambre que je n’ai pas encore ouverte donne sur l’entrée, l’entrée au carrelage vert, là où il y a la porte principale, celle qui donne sur les escaliers et c’est de là qu’on sort de l’appartement, et après dans le hall, il y a le grand portail à franchir et une fois dans la rue, je vois la lune, immense, ce soir elle est descendue et m’attend. C’est l’heure de ne plus tarder.
un texte plein de charme et de douceur, on aimerait l’entendre. Merci Anna
J’aime la superposition des temps avec la multiplicité des portes et la perception enfantine de l’espace familier comme plein de recoins et de mystère.
J’aime beaucoup la torsion de la dernière phrase :
« C’est l’heure de ne plus tarder. »
Pour mes fils ce n’est pas acchiappino mais acchiapparèlla 🙂