L’OBSCURCISSEMENT DE LA LUMIÈRE. Il est avantageux d’être persévérant dans l’adversité. Yi Jing
(Le soleil s’est enfoncé sous la terre et s’est donc obscurci. Le nom de l’hexagramme signifierait « le fait de blesser ce qui est lumineux »).
Depuis longtemps j’avais noté le nom de cet hexagramme, le trente-sixième du Yi Jing. L’obscurcissement de la lumière. En écoutant la proposition de François Bon puis en lisant le texte du journal de Kafka, j’ai tout de suite pensé à cette expression que je trouve tellement adaptée aux moments que nous vivons, qui dit notre blessure, déchirure du collectif et assombrissement de la vie politique, de la vie tout court. Émerge aussi l’évidence fragile qu’en notant les couleurs les nuances les reflets de la lumière là où on se trouve, on peut ouvrir un espace, même étroit, même éphémère, pour être et pour écrire, pour continuer d’écrire, en ce moment où il est si important de continuer. Je me rends compte que même si la plupart du temps je ne fais pas formellement cette notation par écrit, je photographie mentalement le lieu, les jeux de lumières de la place où j’ouvre mon ordi. Avant j’ai rapidement inspecté les lieux, si ce sont des lieux de passage, et je sais vite d’instinct en tournant un peu comme un animal où il faudra installer mon sanctuaire mobile. Ici entre les collines du Jura, dans un appartement de village, sombre malgré deux fenêtres qui éclairent la pièce centrale j’ai posé mon ordi sur la table à manger recouverte d’une nappe cirée dont la surface reflète la poutre qui supporte la chambre en mezzanine. Une fenêtre donne sur des toits de briques brunes, l’autre sur le parvis de l’église. À la place où je me suis assise, on ne voit pas le ciel. Avec la pauvre clarté qui pénètre dans la pièce, on l’imagine terne mais par instants une densité de nuages profonds déverse des trombes de pluie avant de s’effiler. En ce début d’été le ciel aussi est assombri, les jours qui devraient être larges et lumineux sont ténébreux. Depuis quelques jours j’arrive à dormir un peu mieux. Étonnamment. Quand je me réveille le matin, il y a ces premiers instants où le cauchemar n’a pas encore refait surface. Puis je me souviens, dans quelques jours notre pays sera peut-être aux mains des fascistes.
« Émerge aussi l’évidence fragile qu’en notant les couleurs les nuances les reflets de la lumière là où on se trouve, on peut ouvrir un espace, même étroit, même éphémère, pour être et pour écrire, pour continuer d’écrire, en ce moment où il est si important de continuer. »
Merci pour ces mots.
Merci Françoise pour la lecture et le message. Avec ce rythme effréné et cette profusion de textes, je n’ai pas encore eu le temps d’aller lire vos textes, mais je vais y aller bientôt.
Un beau texte et un beau point de départ cet obscurcissement de la lumière. Comme Françoise j’aime cette phrase qui réconforte, un espace pour continuer d’écrire. Merci Muriel
Merci Isabelle d’être passée par ici. À bientôt dans l’atelier.
temps obscurs, temps mangés par la ténèbre
un peu comme si le ciel s’accordait aux circonstances qui nous inquiètent, bien plus nous bouleversent…
bien avec toi, Muriel, en ces matins sombres…
Merci pour ton passage et ton message, depuis heureusement un extrême soulagement !
quel beau texte à découvrir aujourd’hui où il fait un peu plus jour
oui heureusement il fait un peu plus jour mais la menace est toujours présente… Merci Nathalie pour la lecture