Le soir tout se passe comme si mon audition était décuplée, les sens en alerte l’invasion commence. J’entends les craquements à ma droite qui viennent de l’escalier et j’entends le crissement des petites bêtes dans l’obscurité. J’entends le vent qui agite les feuilles du tilleul dans le jardin et j’entends les éclats de voix au loin, les rideaux qu’on tire. J’entends surtout des bruits qui retiennent mon attention parce que je ne les identifie pas : une sonnerie intermittente, un claquement sourd et je ne sais pas si c’est une chaise qu’on tire sur la pierre d’une terrasse ou un volet que l’on rabat d’un coup sec. Je dors avec des boules quies, j’ai eu l’occasion de le dire plusieurs fois, j’entends les voisins ronfler, j’entends mes enfants respirer, j’entends le ronronnement des appareils électroniques et le tictac des horloges dans les pièces voisines. Les boules quies apaisent le monde et permettent le repli, au moins la nuit.