28 juin. Cette nécessité à retrouver les mots qui viennent avec le jour. C’est en vérité un moment qui ne m’appartient plus, je le vois passer comme un moineau s’envole faute de miettes. Aujourd’hui pourtant, l’heure juste pour m’asseoir à la table de travail, c’est-à-dire à la bascule de la nuit, les grandes fenêtres face à ce morceau de parc accessible au regard. Il y aurait à interroger la taille des vitres, ce que ça inscrit, surtout, dans le rapport à l’autre, au dehors (aussi : le dehors en soi), ces surfaces de transparence étales, tellement plus impudiques (non, c’est le voile qui fabrique l’impudique – quoi alors ? tellement plus sanitaires peut-être) que dans les pays du Sud où la chaleur fait accrocher des volets, des rideaux lourds ou double, fait tirer les persiennes et circonscrire les mesures des carreaux. Ici je vis sous le regard de l’autre. Tout à l’heure, lorsque les premiers habitants de l’immeuble d’en face se lèveront ils pourront me voir écrire s’ils s’avancent suffisamment près de leur propre embrasure. Je les verrai me voir. Pour l’instant tout dort, c’est le point exact où l’obscurité s’est déjà retirée mais sans laisser place à la lumière. On ne voit rien, on distingue tout. Le mot aube précède ce qu’il installe. Quelques chiens l’ont compris, dans la portion de parc visible j’en aperçois passer un (petit, furetant autour de l’érable), puis un autre (au bout d’une longue laisse, plus gros, beaucoup de poils). Des humains doivent exister qui les accompagnent mais la lumière vient d’envahir très oblique le champ découpé par mon regard, je suspends la pensée, je voudrais que le jour ne débute pas, qu’il se retienne sur le seuil, tout se casse toujours si profondément la gueule dès que le monde s’enclenche. Dans quelques minutes qui seront des secondes au prochain souffle, chaque phrase portera à conséquence, les mots seront des foules, ils feront un tapage de volière.
Un commentaire à propos de “#Anthologie #07 | Avant le tapage.”
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Merci, j’aime beaucoup. Tout particulièrement: « tout se casse toujours si profondément la gueule dès que le monde s’enclenche. »