Chaque matin, c’est d’abord par l’ouïe que je m’inscris dans le monde. La rumeur matinale qui entre par la fenêtre fait vibrer mes résonateurs. Aujourd’hui, vers six heures, les martinets ont commencé leur samba. À la tonalité de leurs sifflements, je devine s’ils frôlent les murs des quatre bâtisses avoisinantes ou s’ils s’en éloignent d’un battement d’aile. Plus bas, plus placides, les pigeons roucoulent doucement sur le portail de l’arrière-cour. Sur le rebord de la fenêtre de la maison d’en face, les pies ricanent en se disputant les restes des croquettes d’un chat fuyant. Du haut du toit, les gabians lancent des ahanements grossiers de hooligans. Chaque oiseau occupe sa niche acoustique et j’entends toutes les voix de ce paysage sonore et parfois les trilles d’un merle discret perché sur la corniche.
À l’intérieur de la maison, mes mains commencent à s’agiter, produisant les sons d’une antienne ordinaire : le cliquetis léger des grains de lin tombant dans le yaourt, le métronome sec de l’allume-gaz suivi du rot étouffé du brûleur qui démarre, le bouillonnement crachoteux de la petite cafetière marocaine. Puis, vers sept heures, les humains attaquent leurs partitions, avec leurs gargouillements, leurs sonneries et leurs vroums-vroums. Bruits parasites.