Seule dans la ruelle, je suis Wenn. Les herbes sous le réverbère se multiplient. Je patiente et la forêt pousse, fluorescente. Accroupie, j’attends la sortie des carabes, la danse des gendarmes, je cherche la faille entre les pavés qui désignera celui que l’on peut soulever. Je suis Wenn, dans le silence de la nuit, je détecte, les ouvertures et les passages. Je mets la main dans les anfractuosités où se logent l’humide, le mobile, le mordant. Déceler n’est pas un vain mot. Je sens la masse des murs qui s’étire, devant, derrière, à côté. Je suis Wenn, étant Wenn je sais bien qu’il court derrière les murs, le faisceau intriqué des ruelles. Elles tournent, lumineuses, dans la nuit sombre. Derrière ce mur là, le sol est revêtu d’un long tapis de velours rouge. Les fourmis en costume y évoluent, graves et solennelles. Leurs petites pattes rêches se prennent dans la matière molle. C’est ce que ce sont des mèches coupées n’est-ce pas le velours ? Jaillissant de toutes sortes de béances, la myriade afflue, hypnotisée par l’éclat de l’étoffe arasée. Qui sait vers quel palais, quelle cérémonie se rendent ceux là qui volent, qui marchent ou qui rampent ? Je suis Wenn, je regarde le sol de près, avec des vigilances militantes et le sérieux des commencements. Au loin, une longue silhouette se glisse entre les carrosseries. La surface lisse des capots renvoie la lumière. Le pelage ne renvoie rien, absorbe. La panthère chemine, sinueuse et fluide, parmi les reliefs accidentés des trottoirs. Elle est noire : c’est la panthère. Je suis Wenn. Le ciel, lui, n’est jamais noir. Etant Wenn, je scrute, je guette, je monte la garde.