#anthologie #06 | tant pis

Seul n’est qu’un  oh et puis tant pis   la nappe de papier imbibée   c’était ça ou bien     où ?    est-ce que     la musique du supermarché     dans quel sens aller   qui ?    la fête foraine, l’enfant sérieux sur le manège  c’est que le début, d’accord, d’accord   la beauté ne répond   ah quoi bon    parlotte    seul n’est pas non  qu’on me touche, qu’on me caresse    comment font-ils ?  mais qu’ils se taisent   me foutent la paix    swippe scrolle allume ta cigarette   le papier crépon après la fête  parlotte parlotte  l’immeuble neuf à 13h  la canette qui roule dans le caniveau   un jour de plus   le chant terni des merles    comment ça va aujourd’hui   bien et toi ?  tranquille   pas la force  tant pis tant pis   ça recommence  encore  et les étoiles, hein ?  c’est loin   ne répondent    la musique sans accords majeurs, c’est une piste sans danseurs   trop de bruit  trop de  swippe scrolle    quoi console   ben la nature, les petites choses fragiles   le silence  la beauté  seul c’est la parlotte sans arrêt   quoi l’herbe, quoi les nuages, quoi si ne répondent    ce que tu appelles silence c’est un discours qui ne t’est pas adressé    seul celui qu’on dévisage qui choisit chacun de ses mots l’incompréhension dans leurs yeux bégaiement oh et puis tant pis

A propos de Nicolas R.

Je vis au Mozambique. Prof doc de hasard (heureux) depuis quelques années. Facteur longtemps. Écrire. Pétrir. Pécrire ? Pécrire v. tr. (3e groupe) Étym. : De pétrir et écrire, formé sur le modèle de termes évoquant l’action de malaxer une matière pour lui donner forme. L’idée sous-jacente est celle d’une écriture travaillée, façonnée comme une pâte, qui fermente et prend du corps avec le temps. Prem. ut. : Attesté au XIIIe s., dans un fragment de poème attribué à Hugon de Belloc (?-1243) où il est écrit : « Pécrire n’est de valour se ce n’est de labeur, Bien vaut un mot frainé qu’un livre à l’erreur. Qui pécrit en silence et en main ferme, Il s’en suist au texte, que sa main étermine. » 1. Façonner un texte avec un geste physique, presque tactile, comme on pétrit une pâte. Pécrire implique de travailler les mots, de les modeler pour qu’ils prennent forme. – « Comme on retourne la terre, je pécris. Lorsque le sol se réchauffe et que les racines se déploient, les mots fermentent dans le noir et remontent à la surface comme les petites bulles d'air dans un levain » (Giono, Entretiens). 2. Retravailler sans fin un texte, le malaxer et le reformuler jusqu’à ce qu’il prenne une forme définitive, solide et concentrée, comme une pâte qui fermente pour libérer ses arômes et se structurer. – « Il pécrit, malaxant chaque phrase jusqu’à ce qu’elle prenne forme, comme une pâte laissée à fermenter, tissant ses réseaux de sens et de son, se concentrant sous la pression de son propre poids, jusqu’à ce que le texte devienne lui-même un acte complet, prêt à se déployer sous ses propres lois. » (Professeur Augustin Lavergne, Pour Flaubert, Université de Poitiers, 1869). 3.Écrire de manière viscérale, mais aussi contemplative, en laissant les souvenirs et les images du monde se distiller dans le texte, jusqu’à ce qu’ils deviennent presque indiscernables de la matière même de l’écriture. – « Pour pécrire, il faut avoir vécu, respiré le monde avec chaque pore de son corps, avoir laissé chaque souvenir se mêler à la chair du texte, que ce soit la brume d’une mer lointaine ou la chaleur d’un matin d’automne. Les mots naissent, ils s’élèvent, non pas comme des pensées, mais comme des événements vivants, façonnés par tout ce qui a été vécu. » (Rilke, Levain de nuit). 4. Écrire d’une manière viscérale, en modelant les mots comme on pétrit une matière brute. – « Je pécris, je pétris, j’écris, j’écrase, j'éreinte, je l’épaissis, je le mâche, je le crache, je le reprends, je le rend, prêt à trancher la masse » (Christophe Tarkos, Le Pétrin). – « Il pécrit la phrase, la tordille et la râpouille, la triture et l'empatouille, qu'à ses cris il s'exhultaille; il l’enroule et la dépiotte, la secoue comme un vieux linge ; il la grommelle, la martèle, la braille, jusqu’à à la fendure. Puis il la gicle, la glisse, la coupe en morceaux, la mélange et la pétrit encore. Et quand enfin la phrase s'amoncelle et soupire, il la reprend, il la bouboule et la pousse dans la fournaise » (Henri Michaux, Levain fini).

Un commentaire à propos de “#anthologie #06 | tant pis”

  1. J’aime beaucoup ce texte et son rythme, la pâte de la solitude du papier crépon !