Une bifurcation, on m’a dit que ce serait plus loin sur la gauche. Je cherche l’escalier abimé qui descend vers la petite crique, encastré dans la roche. La végétation habituellement odorante doit attendre la fin de la journée pour s’exprimer.
Seule sur le petit chemin côtier de la Mitre. Le soleil rase la mer à peine ondulée et pose une tâche blanche lointaine qui semble sortir de l’île de Porquerolles. Je n’ai vu l’endroit qu’une seule fois. D’en haut, je me souviens de deux rochers, petits icebergs aux pointes découvrantes. Je la cherche. Seule. J’avance sur le sentier littoral. Sur ma gauche se succèdent les maisons hors de prix, des murs parfaitement blancs, à droite une bande de végétation assez dense, puis le bleu profond segmenté par des bandes plus sombres. Elle, est dans la mer. Elle est, dans la mer. Ses particules ont dû flotter. Les poissons les ont peut-être prises pour de la nourriture avant de la recracher. Ça l’aurait faire rire. Avant cela, elle aimait nager des heures sous l’eau avec masque et tuba, dans ces zones plus sombres où la faune est moins timide. Herbiers de posidonie. Abords d’une roche recouverte d’algues. Zone de méditation submarine dans laquelle aucun bruit humain, aucune sollicitation ne vient vous perturber. L’escalier apparaît enfin. Un jogger matinal fier de sa discipline et de sa bonne santé me contourne. J’aurai voulu que personne ne passe à ce moment-là. Personne.
Je retrouve l’endroit où il faut descendre. Des arbustes du côté gauche, la roche ocre jaune qui sert de garde-corps à droite, les marches sont érodées, elles contrastent avec le pavage en pierres naturelles du chemin principal. Une fois en bas, les marches, qui ne sont plus portées ni à gauche ni à droite, finissent par une courbe qui contourne un petit rocher. La zone sèche est étroite, mais on peut s’y installer sans craindre d’être mouillé. Il n’y a pas d’odeur marine. Pas assez de vagues, pas assez de courant. En descendant, j’ai cueilli une petite branche d’un arbuste gris argenté qui longeait l’escalier. Des petites feuilles vert clair assez grasses que j’ai portées à mon nez, mais elles ne sentaient rien. Arroche de mer. Seule. J’ai cherché des traces, des microéléments, de la poussière. Seule. J’ai eu envie d’arracher des plantes, de la terre, du sable, des cailloux pour les emporter. Seule.
Dans l’eau, il n’y avait pas deux rochers, mais plutôt quatre moyens et deux petits, qui formaient un quadrilatère bancal sur lesquels se cognaient les vagues. De quel côté venait le vent de septembre quand ils ont répandu les cendres. Jusqu’où s’avancer ? Risquer de tomber. Marcher jusqu’au bord de l’eau. Attendre que le vent se calme. Pénétrer dans la mer. Jusqu’où s’immerger. Quand repartir.
En remontant et en poursuivant le chemin, je cherche l’emplacement d’un autre angle, une hampe d’acanthe isolée perturbe le champ de vision. Elle s’agite de bas en haut, lentement. Avec le vent. Je m’aperçois que les rochers sont beaucoup plus allongés que je ne les percevais en haut du petit escalier. On ne peut pas vraiment les dénombrer. Sans comprendre pourquoi, ça me déçoit. Peut-être parce qu’on ne peut pas vraiment en faire le tour une fois sous l’eau. Un récif plutôt qu’un ilot. Seule. Naufrage.
.. j’avais commencé cette plongée dans Porquerolles, il y a quelques jours, j’ai du être dérangée.. me revoici à vous lire. Et je pense à un sauvetage… de qui de quoi? ne sais. merci pour l’île et ses mystères.
merci pour votre commentaire Eve. Ici c’est à Toulon, Porquerolles se dessine au loin. Il est bien question de sauvetage de soi-même, de la tentative de faire face à la perte d’une personne que l’on a beaucoup aimée, en arpentant ses lieux de prédilection.