#anthologie #06 | Seule à une heure sans heure

en même temps que je reçois la sixième proposition de l’anthologie, je lis à la page 259 du livre que je suis en train de lire1 « Elle est seule, seule, seule, à une heure sans heure, le ciel blanchi qui l’entoure pourrait être n’importe quand ».  j’emprunte le titre seule à une heure sans heure et j’écris : seule dans l’étendue cadastrale de la plaine au détour d’un bornage d’un fossé d’herbe à moitié fauchée – que fait l’autre moitié de ce temps ? – d’un fil télégraphique s’offrant pour pendaison seule à deux avec le chien seule à trois avec le chien et sous l’ombre d’un arbre le saluant au passage faute de saluer âme qui vive seule dans la coupelle de plomb fondu faisant trembler le ciel dans la chaleur estivale seule sur la terre ferme et pourtant souterrainement ça grouille là derrière le mur épais du cimetière surplombant la route les pensées sauvages poussant leur chansonnette de pétales jaunes dans les interstices des pierres d’assise il suffit d’écouter le gargouillis de l’eau ruisselant la nuit jaillissant du bec de la fontaine tout qui s’ébruite dans la solitude des champs nocturnes

1 Phoebe Hadjimarkos Clarke, Aliène, Editions du sous-sol, 2024

A propos de Cécile Marmonnier

Elle s’appelle Sotta, Cécile Sotta. Elle a surtout vécu à Lyon. Elle a été ou aurait voulu être marchande de bonbons, pompier, dame-pipi, archéologue, cantinière, professeure de lettres certifiée. Maintenant elle est mouette et fermière. En vrai elle n’est pas ici elle est là-bas. Elle s’entoure de beaucoup de livres et les transporte avec elle dans un sac. Parfois dans un carton quand il ne pleut pas. Elle n’a pas assez d’oreilles pour les langues étrangères ni de mémoire sur son disque dur. Alors elle écrit. Sur des cahiers sur des carnets sur des bouts de papier en nombre. Et elle anime des ateliers d’écriture pour ne pas oublier de vivre ni d'écrire.

9 commentaires à propos de “#anthologie #06 | Seule à une heure sans heure”

  1. Ah ces joyeuses coïncidences ! Merci pour ce texte que je me suis surprise sous cette chaleur inattendue à lire, seule, fenêtre ouverte, à haute voix. Expression ( provisoirement ) libératrice d’un mal-être ? Alors pour ça et pas que, merci!!

    • Il y a une sorte de mise en abyme que tu soulignes ici dans la participation même de cet atelier. On est seul.e chez soi mais si nombreux en ligne ! Merci Eve F. pour ta lecture sonore

  2. Synchronicité ou hasard. cette rencontre lecture-écriture
    « les pensées sauvages poussant leur chansonnette de pétales jaunes dans les interstices des pierres d’assise » à ma première lecture j’ai lu pensées et pas pensées les fleurs, et j’avais trouvé que les pensées sauvages de l’esprit c’était beau aussi…
    Merci Cécile

    • Merci Marie pour cette lecture ambivalente, cette ambivalence me plaît, merci de la souligner ici.

  3. Intéressant et vertigineux. J aime de le depart de mise en abyme . Les images et le rythme nous invite à la relecture. Bravo !

  4. la 6 comme glissée de la 5 … un rythme, une ponctuation, une inquiétude, des mots et des choses, c’est une émotion d’entendre et de reconnaitre une voix (« seule dans l’étendue cadastrale de la plaine au détour d’un bornage d’un fossé d’herbe à moitié fauchée – que fait l’autre moitié de ce temps ? – d’un fil télégraphique s’offrant pour pendaison seule à deux avec le chien seule ») Merci

  5. intensité du seule à deux ou à trois, ça grouille et ça gargouille
    quelques lignes suffisent pour ressentir le vertige