laissée en rade dans le bois, plus que les arbres devenus si grands, plus que le silence, et ses bruits, devenu si grand ; ce qui paraissait familier ou du moins semblait l’être retourné comme un gant hérissé de dents; tout plus vaste, tout plus vide et plein ; dans la cour à l’écart avec son habit de feuilles, une grosse tête trop grosse avec qui personne ne joue ; solitude du monstre, solitude de la bête, du mourant ; moi tout seul, crie l’enfant joie, mais ne ferme pas la porte, ne réveille pas les ombres ; seule en nuit de chaque soir d’enfant : peur ; et l’impartageable douleur sans raison derrière sa vitre de fer : et les mots de façade quand seule au milieu de tous ; je me souviens être enfermée dans ce TGV vide cinquante-sept minutes comme des heures et les sièges me regardent ; je me souviens de la nuit de ce théâtre, de ce plateau plein feu où je peins jusqu’à l’aube et tous ces fauteuils me regardent ; solitude peuplée d’ombres ; seule et l’espace et le temps élargis, accroissement d’être, incandescente présence ; ouïr, voir, sentir; ce que vous devrez craindre plus que tout c’est elle, c’est elle la rivale absolue: Oh solitude : »my sweetest choice » ; Emily se penche vers la colline; comment écrire une ligne sans être seule, comment voir sans être seule; enfin seule, choisir l’aube la rejoindre ; solitude joie d’heures à soi hors de soi ; remontant juin seule ; bleu noir du ciel tendu à blanc, une péniche passe, guirlandes By-Night ; visages, bras qui se lèvent pour saluer, rires de pont à rive arrachés à l’ombre; eaux fortes chavirées de lueurs et voix qui se touchent ; n’être au long de personne : aller seule, libre enfin ; je traverse des flaques jaunes, je frôle un tas d’immondices, quelqu’un s’est enfoui sous une bâche ; la rive pue ; arbres et façades coulés au noir; une fenêtre s’éclaire, elle creuse une scène ; bientôt un verre se brise ; le parfum d’une robe me frôle, elle disparait sous la tour des bouchers ; demain encore être seule ; une voix bruit sans adresse, c’est Rilke je crois ; et coule la Seine
Les mots de la solitude partis du bois finissent par couler dans la Seine, je prononce « les mots de façade quand seule au milieu de tous », je rejoins Emily « enfin seule » pour écrire et voir, je prends pour moi « remontant juin seule » tellement ça me parle et « n’être au long de personne ». Finalement je lis un texte puissant ; pourquoi ce titre d’impuissance ? En tout cas, merci Nathalie, de nous engloutir dans ce flots de mots.
on te lit, on te suit, c’est un fleuve
« solitude joie d’heures à soi hors de soi »
tu nous propulses dans des chavirements redoutables…
la solitude comme une mère mille fois recommencée. Merci.
Merci Nathalie. Quelle force, quelle puissance, votre texte. Quel vertige.
superbe solitude, ce texte touche, merci
merci Cécile, Françoise, Jacques , Ugo, Perle ( solitude, impuissance et aujourd’hui la proposition 27 qui désarçonne )