L’air s’est figé entièrement, pris d’un coup de pompe soudain dans les voiles du rideau. Il a fallu qu’il se retire, reflue dans les roches, pour qu’enfle le strident des cigales. Linge blanc, mémoire des images pour projection très privée. Devant le regard désencombré de toute présence sont passées des silhouettes d’Antonioni, des chaleurs de Pagnol, au loin le viaduc a pris des allures de Sainte-Victoire. Les oliviers ont basculé dans le passé simple, l’idée même de l’eau s’est asséchée dans la fuite des lézards – l’ombre seule, tapie, et ton corps qui s’y déplace à pas lents. Ils sont partis au village, ou dormir à l’étage, ils sont partis vers des rendez-vous aux saveurs de craie. Seule ton ombre sur les graviers du chemin, mince comme une herbe. Cassandre le soleil, mais les labiées mauves s’en moquent, se moquent, seule tu doutes l’ombre d’un instant. On aurait dit quelqu’un au bout de l’allée, un chien peut-être, son poil brûlé et le pendu de sa langue. Mais non, toi seulement, et le systématisme de ta fatigue, ombre âgée. Si quelqu’un peignait la colline, le mas, la terrasse, il hésiterait devant ta silhouette déjà hors cadre. Il chercherait sur sa palette la couleur de l’ombre, sa trace esseulée.