#anthologie #06 | échos

Je suis moi par décomposition comme une piscine vide qui se souvient de celle qui nageait et volait, comme la pensée d’une trace de pas mouillé. Comme les gorges creusées par la rivière ouvertes aux vents qui la traversent, comme la brindille perdue qui s’affole. Comme une oasis dans un désert qui aurait perdu sa magie, engloutie par le sable, comme une image qui s’efface et devenir mirage. L’eau a disparu.

J’entends la note arrêtée qui se répète et s’estompe lentement en rebondissant sur les parois de pierre molle jusqu’à ce sol qui me supporte à peine. Écho de nos mains qui s’effleurent, écho d’un regard caressé et sourd. La fine colonne de fumée d’un brasier étouffé dessine dans l’air vertical une arabesque hésitante. Je chante à pleins poumons sur le bord de la falaise et le dernier son que libère ma gorge rebondit, me revient et s’envole ailleurs.

Seul au monde, seule issue possible, de vivre seul, il se retrouva seul et laissa seuls ceux qui l’avaient esseulé. Il finit seul et s’éteint tout seul pour mourir seul. Il n’est pas le seul. 

Je ne vous dirai rien de la nuit. Je ne vous dirai rien de mon plafond que mes yeux ronds fixent avec maladie. Je ne vous dirai pas plus du froid qui me gagne et qui joue aux dés avec les illusions noires qui m’envahissent. Je ne vous raconterai pas les mises à mort, les lynchages, les suicides, les sauts dans le vide. Je ne vous parlerai pas non plus de cette image obsédante d’un corps qui tombe le long d’un immeuble en flamme. Je ne prononcerai pas un mot de trop.

La ville bouillonne dans mon silence. Lumières rouges clignotent, phares blancs déchirent, lettres de néons m’attirent. Un coup de klaxon, une sirène à deux tons passe en bémol. Rien ne m’arrache de ma solitude autrefois subie et désormais cultivée. Manque parfois un peu de bleu dans le ciel. Manque souvent du pluriel qui allongerait mes conjugaisons. Une odeur urbaine m’accompagne. Et la vie des autres.

A propos de JLuc Chovelon

Prof pendant une dizaine d'années, journaliste durant près de vingt ans, auteur d'une paire de livres, essais plutôt que romans. En pleine évolution vers un autre type d'écritures. Cheminement personnel, divagations exploratives, explorations divaguantes à l'ombre du triptyque humour-poésie-fantastique. Dans le désordre.

3 commentaires à propos de “#anthologie #06 | échos”

  1. Comme un écho lointain et profond, tes mots vibrent en moi.
    Merci pour ce texte fort?

  2. Une fois publié, je n’arrive pas à enlever le point d’interrogation qui n’a rien à faire là…

  3. Merci Jean-Luc pour cette première envolée qui m’évoque forcément ces vers d’Aragon [« … comme un caillou que l’on ramasse sur la plage… comme un bizarre objet perdu dont nul ne peut dire l’usage… »] e poète de mes 14 ans et plus tard, et pour la délicatesse et la sensibilité de ce qui suit, qui se dit si bien aussi dans le bruit et les lumières crues.