#anthologie #06 | de ses yeux mouillés

Une bille – son bleu nuit – traverse une cour. Ça ne dure jamais. Une porte claque, courant d’air. Ça ne dure jamais. Une vague se retire – elle emporte les cris des gamins. Ça ne dure jamais. Un feuille d’érable tombe, promesse d’automne. Ça ne dure jamais. Une double croche sur une partition, Ravel – son Boléro. Ça ne dure jamais. Elle dit, la solitude, ça ne dure jamais, mais elle sait que ça dure. Elle sait que les yeux mouillés, même séchés, ça reste mouillé. Et que c’est là que commence la solitude. Seule dans ce courant d’air à chercher de ses yeux mouillés les mains de sa mère. Seule dans cette vague à chercher de ses yeux mouillés les joues creuses de sa mère. Seule dans les promesses de l’automne à chercher de ses yeux mouillés avec quelle langue parler à sa mère.

A propos de Annick Brabant

Revenir à l'écriture, nouveau chapitre, tenir, le vouloir si fort, tiendra !

16 commentaires à propos de “#anthologie #06 | de ses yeux mouillés”

  1. J’aime cette scansion du « ça ne dure jamais » et cette solitude qui elle seule dure. Merci.

    • Merci à vous pour votre mot.
      Je viens vous lire sous peu.
      Plaisir des nouvelles rencontres.

    • Merci ma belle. C’est vraiment très gentil d’être venue me lire. Touchée.
      Je passe par chez toi ces prochains heures, en pleine session rattrapage écriture, lecture, commentaires.
      Bises.

  2. Merci Annick ! C’est magnifique. J’ai lu cette attention à ces petites choses au début du texte comme des moments qui peuvent arracher un court instant au sentiment de solitude et puis entre deux instantanés, là, ancrée, primordiale, l’infinie solitude de celle dont on est irrémédiablement séparée. C’est très beau !