Et du corps devant soi je parle. Mais je dois écarter d’abord l’écartement, car c’est une fausse idée. On ne peut rien écarter qui ne serve pas un jour ou l’autre, et il arrive toujours, ce jour ou l’autre. Je porte devant moi mon corps crampon, corps résiduel. Rempli de jouets invraisemblables. De renards pris au piège. De bracelets de ficelle. Mon corps, commencements en bouteille. La lumière frappe le verre et elle repart, et c’est obscur et c’est luisant. Je suis une bouteille ventrue tissée de fils de pêche et colorée comme du vin italien. Et, comme je tire un sillage derrière moi, une coulée de presque riens et de fonds de tiroirs rattachés par des fils qui existent sans raison, je porte devant moi mon corps qui porte derrière soi son corps, et je m’étale. Je suis née d’une nettoyeuse et d’un gardien de clés aux clés usées. J’ai cru, depuis le temps entrechoqué du début de l’affaire, que ça pouvait contenir du propre, ce rage dedans, emballé dans des caisses. Mais non. Je suis un corps barrage de sable et de racines qui s’élève en falaise. Ma peau est verticale, fichée de coquilles Saint-Jacques jusqu’à hauteur des yeux comme des javelots, et elles s’alignent au sol debout, toutes serrées en lamelles. Quand je marche dessus mes pieds fêlent. Quand je regarde mon corps devant je vois chacune des failles s’agrandir en crevasse, à cause de l’eau qui tourne en boue, et des soucis. On m’a appris à contrôler des morceaux de décor et à compter des graines. Je n’ai pas arrêté de m’éclipser, de clignoter, sans oser prendre la parole. Mais je suis grosse maintenant des jours accumulés en poudre. Je pleure le dispersé. J’arrache des poignées de terre que je recolle, et je recolle.
Piou pas facile cette proposition. Ton texte est superbe ! Bravo
waouf… comme on dit! magnifique et poignant. Réconfortant de lire qu’avec ( ou malgré) la boue et les soucis il est possible de travailler une terre qui recolle. Merci!
personnage tel un mur fiché de coquillages
il est question de falaise, de crevasses… il faut que j’y retourne !
Ehi grazie, che bel testo!
con un finale ancora più sorprendente: Je pleure le dispersé. J’arrache des poignées de terre que je recolle, et je recolle.
C’est une perlustration de soi? Peut-être…
Merci pour vos lectures ! (j’avais raté vos commentaire, honte à moi)