Il porte son corps devant lui.
Il est debout, en pantalon de toile, manches retroussées sous le blouson de cuir, une énergie vitale dans le regard, une énergie dans le geste, dans les plis cassants des étoffes que le peintre emprunte au XVIIe siècle.
Il porte littéralement son corps devant lui, son cadavre. Son corps devant lui porté à bout de bras s’affaisse, s’affale, flasque, se dévale, dans ses propres bras, devient peau, devient pas rien, devient ce qui reste de ce qui était. Main à terre, épaule nue, corps sans tenue. Michel-Ange à la chapelle Sixtine se peint dans la peau d’un dépecé pendant dans un coin de l’enfer.
Il porte à bout de bras son devenir sa douleur sa présence ici-bas. Il porte. Muscles bandés. Droit. Il porte au présent la prémonition de la violence au monde.
Il porte en noir et blanc un portrait double, conscience poétique d’un monde marchandise. Et le peintre offre à qui passe une affiche collée au mur. Elle n’a rien à vendre. Elle est. Est vit. Elle meurt. Elle s’effiloche, lambeaux de temps. Elle, là. Lui, là. Double portrait d’assassiné et de futur assassiné. Énergie et poésie.
Se io torno, Pier Paolo Pasolini par Ernest Pignon-Ernest
Belle résonance que cette image de Pasolini portant son corps assassiné. « Si je reviens », comme une promesse. Merci Laure.
Merci pour ta lecture. Je réponds un peu en retard, je n’ai pas encore lu tes derniers textes, j’ai hâte de découvrir ce qu’il y a derrière ta porte (#08)