#anthologie #05 | PPP

Il porte son corps devant lui.

Il est debout, en pantalon de toile, manches retroussées sous le blouson de cuir, une énergie vitale dans le regard, une énergie dans le geste, dans les plis cassants des étoffes que le peintre emprunte au XVIIe siècle.

Il porte littéralement son corps devant lui, son cadavre. Son corps devant lui porté à bout de bras s’affaisse, s’affale, flasque, se dévale, dans ses propres bras, devient peau, devient pas rien, devient ce qui reste de ce qui était. Main à terre, épaule nue, corps sans tenue. Michel-Ange à la chapelle Sixtine se peint dans la peau d’un dépecé pendant dans un coin de l’enfer.

Il porte à bout de bras son devenir sa douleur sa présence ici-bas. Il porte. Muscles bandés. Droit. Il porte au présent la prémonition de la violence au monde.

Il porte en noir et blanc un portrait double, conscience poétique d’un monde marchandise. Et le peintre offre à qui passe une affiche collée au mur. Elle n’a rien à vendre. Elle est. Est vit. Elle meurt. Elle s’effiloche, lambeaux de temps. Elle, là. Lui, là. Double portrait d’assassiné et de futur assassiné. Énergie et poésie.

Se io torno, Pier Paolo Pasolini par Ernest Pignon-Ernest

Site d’Ernest Pignon-Ernest
Collectif Sikozel

A propos de Laure Humbel

Site internet : Sur mes tablettes, laurehumbel.fr. Dans l’écriture, je tente de creuser les questions du rapport sensible au temps et du lien entre l’histoire collective et l’histoire personnelle. Un élan nouveau m'a été donné par ma participation aux ateliers du Tiers-Livre depuis l’été 2021. J'ai publié «Fadia Nicé ou l'histoire inventée d'une vraie histoire romaine», éd. Sansouire, 2016, illustrations de Jean Cubaud, puis «Une piétonne à Marseille», éd. David Gaussen, avril 2023. Un album pour tout-petits, «Ton Nombril», est paru en octobre 2023 (Toutàlheure, illustrations de Luce Fusciardi). Le second volet de ce diptyque sur le thème de l'origine s'intitule «BigBang», la parution est imminente.

2 commentaires à propos de “#anthologie #05 | PPP”

  1. Belle résonance que cette image de Pasolini portant son corps assassiné. « Si je reviens », comme une promesse. Merci Laure.

    • Merci pour ta lecture. Je réponds un peu en retard, je n’ai pas encore lu tes derniers textes, j’ai hâte de découvrir ce qu’il y a derrière ta porte (#08)