…les mots roulent dans ma tête roulent de ma tête à ma bouche mais le soleil cuit le soleil me cuit et le corps bout et les mots et mes lèvres et mes bras et mes jambes trébuchent sur le pavé à force de chercher l’ombre et un visage, c’est la faute au soleil, c’est lui qui fait trébucher mon corps, qui fait fondre les mots au fond de ma gorge avant d’arriver à mes lèvres juste bonnes à faire le poisson oui mes lèvres comme les poissons de Denis dans le fond de la barque bouches ouvertes yeux écarquillés cuits dans le soleil tout cuit le soleil qui fait pousser les fleurs sur ma robe et ça je peux pas lui en vouloir au soleil, non je peux pas lui en vouloir de faire pousser les fleurs, Denis, il aime les fleurs alors je peux vraiment pas lui en vouloir au soleil, mais là le ciel est trop bleu et la mer et la lumière cuisent mes lèvres, et le soleil cuit et mon corps et mes bras et mes jambes alors le corps et les mots roulent pour accrocher l’ombre plus vite et saisir un visage au passage, mais les visages passent, alors je lance mon regard en rond comme le harpon de Denis et j’essaie de faire sortir les mots par les yeux de toutes mes forces que ça me ferait presque pleurer mais rien n’y fait et les visages passent et les pensées que j’ai dans la tête roulent en sons et cris et les mots restent coincés derrière le front et les joues et sortent informes jetés là juste bons à friper les visages, sauf celui de Denis là-bas sur le banc dans l’ombre et les arbres et je lui jette ma bouche vide de mots et mon regard et les fleurs rose de ma robe, et quand je fais ça, ça le fait toujours sourire Denis…
J’aime ton flux de pensée sur la difficulté à accoucher des mots. Tu enseignes le français quand j’ai tant enseigné et enseigne encore les mathématiques. Les mathématiques aussi sont poétiques.
Merci Emilie pour ta lecture ! J’aime ce travail d’écriture autour de qui n’a pas de mots ou qui a du mal à les dire ou qui les dit n’importe comment. Et j’aime les auteurs et autrices qui s’y attellent.
ce travail sur l’inertie et le roulement ai bien envie qu’on puisse l’explorer en tant que tel… impressionnantes les premières lignes de cette lancée
tellement concentrée sur le comment dire les mots empêchés que ce motif que tu pointes, je m’aperçois qu’il s’est écrit inconsciemment mais oui je relis le texte, en effet, car j’ai essayé aussi de dire l’empêchement du corps dans tout ça, un corps qui veut pourtant tendre vers d’autres corps, et d’autres visages
J’aime « j’essaie de faire sortir les mots par les yeux de toutes mes forces que ça me ferait presque pleurer mais rien n’y fait et les visages passent et les pensées que j’ai dans la tête roulent en sons et cris et les mots restent coincés derrière le front et les joues et sortent informes jetés là juste bons à friper les visages »/ Cette phrase a du corps. Merci Émilie
Merci Gilda pour ta lecture. Dès que je sors la tête de l’eau, je reprends les lectures avec beaucoup de retard… J’essaie de tenir le texte, même bref, quotidien…Et puis je vous lirai.
Très inspirante litanie du « soleil cuit », et cette difficulté à dire… Très beau texte
Merci Perle pour ton retour ! Je remonte la pente de mon retard progressivement et me remets ce soir aux lectures et commentaires ! A très bientôt !
Rétroliens : #anthologie #27 | ça commence comme ça – le Tiers Livre | écrire, publier, explorer
Rétroliens : #anthologie #32 | elle sur le banc – le Tiers Livre | écrire, publier, explorer