Il marche et il ploie. Il ploie sous le poids d’une sorte d’ombre. Il a le poids de l’ombre dans les bras. Il ploie. Dans le poids de l’ombre il y a :
La tête – étrange, meuble, en constante reformation selon un processus itératif.
Le visage – (on peut parler ici du visage de l’ombre car elle a des yeux expressifs, le plus souvent courroucés, presque entièrement recouverts de paupières grises, tombantes et flasques), est lentement aspiré. Une crispation par le centre ou une force qui tire par le nez ou plutôt écrase de l’intérieur, dans un mouvement carlin, l’avale.
Dans le même temps, la mâchoire – ruminant, ruminant devenant prognathe à l’excès, remonte la face nord du visage par la mandibule, jusqu’à ce que la tête retrouve son aspect de cavité. Après une courte période de vide – le temps d’une inspiration -– la boule de la tête se regonfle élastique et grise, avant de se résorber à nouveau.
Le corps – (en tige droite et rigide) a la curieuse capacité de ployer à l’approche d’une substance dont il est particulièrement friand, une sorte de poudre noire qui n’a aucun autre usage dans la nature que d’ouvrir les ports de l’ombre afin d’en absorber les émanations, les digérer aussitôt et les excréter en une substance visqueuse utilisée comme agglomérat pour consolider les excavations intérieures.
Pendant ce temps, il marche. A mesure qu’il avance, il ploie sous le poids de plus en plus lourd de son ombre dans les bras.
Un texte qui ne se laisse pas appréhender facilement, qui finit par vous retenir. Ai pensé à des tableaux de F. Bacon. J’aime cette bizarrerie inquiétante, la substance-poudre noire, la tête cavité, le mouvement carlin. Surprenant. Dérangeant.
merci pour cette lecture Pedro