# anthologie #05/ Happening

Se montrer aux autres comme on est, ou donner une bonne image de soi, une image que l’on ne maîtrise pas…on n’est jamais responsable de la tête que l’on a, mais de la tête que l’on fait dit-on…saluer, se saluer, se présenter par courtoisie ou politesse même si ça ne nous arrange pas, car ce n’est pas le moment surtout le matin où n’est pas forcément aimable puisque l’on n’est pas du matin on vous dit…on ronchonne, on bougonne, on parle peu et on salue à peine..on traîne un peu les pieds, on réprime des baîllements tardifs ou pas entièrement évacués…vite un café, puis deux, puis trois…on s’assouplit, les zygomatiques s’étirent, on se courbe par respect et déférence, la langue s’étire et se déploie…on devient socialement acceptable. On se représente, on s’imagine être plaisant et agréable aux autres…bon fils, bon frêre, bon ami, bon mari, bon camarade, bon collègue…on est toujours en représentation, en happening permanent, le corps dans sa carapace sociale, est toujours au travail, en tension, pliant, flêchissant, s’étirant, se courbant ou encaissant, sans jamais laisser voir les stigmates…Ce corps doit plaire, doit séduire et s’adapter au public…même être seul ne nous reconcilie pas forcément avec soi-même…on peut toujours être vu ou entendu par des voisins…Le qu’en-dira-t-on nous force à maitriser nos colères et frustrations, à étouffer nos moments de rage, nos pulsions de haine et de violence, à se chercher des exutoires, si possible par contre soi, pas trop d’alcool ni de drogue, à éviter les excès qui marquent…toujours pénalisant, laissant voir une nature dégradée que l’on peine tant à masquer…tous ces efforts réduits à néant.Ce corps pesant, encombrant, double de nous-même, en permanence sollicité, martyrisé voir sacrifié sur l’autel des conventions sociales, ne nous ressemble pas, ne nous ressemble plus, il devient un étranger dont on ne sait que faire…comment s’en soulager? Comment le porter en avant de soi?