Souvent j’ai l’impression d’être là sans être là. Je suis assis sur une chaise de la salle de réunion de la mairie d’un village de Dordogne. Je participe aux échanges. Lors des débats, j’interviens à mon tour. Je répond aux questions, apporte des précisions sur tel ou tel dossier. Je suis là, mais mon corps ne l’est plus. Il a toujours un temps d’avance. Il est déjà dans la voiture à organiser la suite de la journée. Démarrer la voiture, accélérer, trouver le lieu du projet à aller voir, réfléchir à ce que je vais dire. S’arrêter pour laisser traverser les piétons. Pourtant je suis toujours dans la salle de réunion de la mairie du petit village à essayer de me concentrer pour suivre cette réunion qui n’en finit pas.
Dès que la réunion se termine, je monte dans la voiture, arrive sur le lieu du projet. Mon corps en est déjà à l’étape suivante, à chercher la place idéale le long d’un chemin boisé pour le pique-nique. Et pourtant je suis encore sur le site à suivre les propriétaires du terrain qui m’expliquent leur projet.
Et ainsi de suite jusqu’à la fin de la journée. Etre sur le chemin du retour et se sentir déjà dans les embouteillages de la fin de journée pour entrer dans la ville. Plus tard, être dans les embouteillages et savoir son corps à l’entrée du théâtre pour assister au spectacle réservé pour le soir même. Fatigant cette impression de vivre deux événements à la fois. Les vivre en temps réel et les vivre par l’intermédiaire de mon double qui a toujours un temps d’avance.