Habiter La Grave, pas bien loin du Cher, dans l’Allier. Les mots paraissent familiers. Ensuite, ils sont bizarres.
On a posé les valises à l’étage. Nous habitons un entre-deux. En dessous, un vieil homme ; au-dessus, les fantômes et les rats.
D. habite la petite maison juste après le pont qui enjambe le Cher. Les gendarmes se sont pointés vers 20h. C’était la première fois chez lui, en plusieurs années d’amitié. M’y suis trouvé si bien que j’y serais resté. La trempe que j’ai prise.
M. habite la maison d’à côté. Dacoté, je crus longtemps que c’était un nom. Comme d’autres parlent de « Sam suffit », les villas, vous savez.
La difficulté d’habiter un autre endroit. En quittant cette maison, j’étais à l’envers.
La maison en Calabre. Deux événements simultanés à ce propos : le livre de Georges H. et la réalité que nous vivons. On dirait une mise au point télémétrique. Sauf que lorsque les deux images coïncident, on ne peut rien en faire, rien en dire ; on reste bouche bée.
On dit de lui ou d’elle et encore de cet autre : ils sont habités. Ce n’est pas quelque chose de poétique, ils ont des poux les pauvres.
Tu habites là, donc tu suis les règles.
La cohabitation, proche de la coagulation, à la fin on pense à de la sauce figée. Et l’autre qui dit « le gras, c’est la vie ».
Vous habitez chez vos parents. Hélas, oui.
Vous n’êtes pas habité, rien de tout ça ne t’habite, tu finiras certainement romanichel.
Dans « Le Baron perché » de Calvino, je retrouve l’idée de ne plus vouloir descendre de mon cerisier.
Le mot cabane et le sentier des nids d’araignées, bifurcations de pensées ou de souvenirs, la sensation de déjà-vu. Toujours cette effrayante propension à vouloir fuir l’ennui. Habiter l’ailleurs. D’ailleurs, dit-on l’ailleurs ou ailleurs dans ces cas-là ?
J’habite seul. J’habite avec sept chats. J’habite à l’étage. J’habite au septième étage. J’habite après le coin de la rue. Au septième sans ascenseur. Plusieurs fois, d’ailleurs. J’habite tous les arrondissements de cette ville. En quelques mois.
On dit que je vis mal ceci ou cela. Je n’habite qu’avec difficulté ce genre de situation. Je ne cherche pas à m’investir. Une maison à moi, vous n’y pensez pas.
L’idée m’habite un moment, un atelier de sculptures en papier mâché pour les enfants. Il a plus de 30 ans. Elle a fait le tour du cosmos pour revenir m’habiter il y a juste deux ou trois ans. Faut être patient, impatient. À fond dans l’un ou l’autre ?
Il y a beaucoup à dire à partir de là. Ça se bouscule : sur le verbe habiter, sur le mot maison, sur les cabanes, les châteaux en Espagne.
À Lisbonne, j’habite quel quartier déjà, celui dont parle Cendrars. Je l’ai au bout de la langue. Et déjà je pense à autre chose, au fait que je croyais voir Pessoa à chaque coin de rue. Je vois le cul du tramway à ce moment-là qui gravit la colline. Rien ne m’habite, tout me traverse.
Je repense à cette histoire. Les trois petits cochons. Parce que je me suis demandé ce que je pensais des maisons de paille à cette époque, si elles m’évoquaient quelque chose. L’Afrique telle qu’on nous la peint dans les livres d’histoire. La case de l’oncle Tom.
Que chaque voix soit un instrument. Que l’ensemble s’appelle « Pierre et le Loup », cette pensée me traverse au moment où je vois les musiciens de Brême passer sous mes fenêtres.
La folle habite de l’autre côté de la rue. Au même étage. La nuit, elle se met au balcon et hurle.
Derrière la cloison fine de la chambre d’hôtel, je l’entends rire toute seule. C’est effrayant. Parfois elle dit des choses énormes. C’est une vieille dame encore coquette. Elle a les ongles peints, même ceux des pieds. Et ce rouge à lèvres — du gloss — nom de Dieu. On dirait parfois qu’on habite ensemble. Une promiscuité dans l’ailleurs.
J’ai entendu ça. Il s’est redressé de toute sa hauteur ce petit bonhomme. Il m’a dit : « Il serait temps que vous fabriquiez votre propre nid. » Non mais je rêve, ce type me prend pour un coucou. Pauvre vieux. C’était un Anglais. Il est mort maintenant.
Habiter un texte, difficile aussi. Habiter un livre, c’est trop d’un coup. Habiter un chapitre, une page, un paragraphe. Commence déjà par une phrase, après on verra.
L’errance est une question permanente sur le fait d’habiter quoique ce soit. Les gens enracinés ne savent pas de quoi je parle, ce n’est pas grave.
Le mot habiter en anglais peut-être « to live », je pense Hamlet, « to live or not ».
très visuel et tant de lieux se croisent, ça créé un ensemble à l’image de ce fragment que j’aime particulièrement :
« En dessous, un vieil homme ; au-dessus, les fantômes et les rats. »
merci