#anthologie #04 | Lieux de vie

Habiter ton absence, chercher en vain ta présence, effleurer les murs doux de notre vie d’avant.

Habiter sous les chênes, se protéger du soleil chaud d’été, embrasser leur tronc réconfortant.

Habiter dans la maison de l’enfance, retrouver les gaufrettes dans la boîte sur le buffet, entendre le bruit du tracteur, respirer le vent du large, caresser la mousse sur le bord du puits.

Habiter en Italie, la maison de famille, pousser la grande porte, se laisser dominer par la hauteur du plafond, grimper le grand escalier, ne pas oser rentrer dans la chambre aux scorpions.

Habiter dans la nuit des étoiles, se laisser bercer par le bruit du vent dans les arbres, avoir peur des chauves-souris, des oiseaux nocturnes, s’endormir enfin, se réveiller avec le soleil levant.

Habiter dans une cabine de bateau, redouter le mal de mer, l’accepter, s’allonger et se laisser tanguer, penser aux marins aventuriers à la découverte du Nouveau Monde pour se donner du courage.

Habiter dans ma maison, en haut de la colline, admirer le soleil levant, me dorer au soleil couchant, me réjouir.

Habiter dans mon jardin de fleurs, respirer les odeurs des parfums, m’enivrer de leurs couleurs, retenir leurs pétales dans les mains, les embrasser avant d’aller me coucher.

Habiter dans les pays où je n’irai jamais.

Habiter dans un train toujours en mouvement, à contre-courant, regarder la vie défiler dans l’autre sens.

Habiter dans mon livre, celui jamais écrit, courir sur les pages, marcher sur les marges, laver les fautes d’orthographe, commencer à la fin, terminer par le milieu, casser les codes, le laisser tomber, le ramasser, m’excuser de ne pas toujours le considérer comme il le faudrait.

Habiter mon corps, comme un vêtement devenu ou trop petit ou trop grand au fil des années, en prendre soin, ne pas l’abandonner à la dictature de la mode, le remercier pour la cohabitation gratuite entre lui et mes idées.

Habiter dans mes rêves préférés, te retrouver, reprendre nos discussions arrêtées, ne plus distinguer la réalité de ton absence.

A propos de Marie Moscardini

«Après une formation à Aleph en 2014, j'anime des ateliers d'écriture dans une petite ville de Saône et Loire.» Voir son site Nouvelles à écrire.

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