#anthologie #04 | La chose

La chose était par terre, à moitié cachée par une touffe d’herbe. Et dès que je l’ai vue, dès que j’ai vu cette chose, déjà rongée, je me suis tout de suite dit comment m’en débarrasser, la ramasser, impossible ! Alors j’ai pensé, pensé, je vais lui lancer un jet d’eau. Mais le jet d’eau ne l’a fait bouger que de quelques centimètres et a révélé la moitié intacte, des yeux fixés sur les miens. Plus je la regardais, plus je me disais, tiens, si je la faisais bouger rien qu’avec mon regard, mais mon regard ne soulève pas les choses mortes. Pourtant je la regardais attentivement et je le voulais vraiment, je l’avais vraiment dans la tête, le fait est que cette chose, je devais la faire disparaître à jamais. Bon, mais une fois que tu arrives à faire bouger cette chose, que tu arrives à la déplacer à coups de jets d’eau, qu’est-ce que tu en fais ? C’est-à-dire que je m’imaginais déjà avec cette chose au bout du tube d’arrosage, un truc ignoble, qui restait accroché à sa touffe d’herbe, une chose morte, pas lourde du tout, j’aurais bien pris une pelle, mais la pelle est une extension du bras et de la main, donc si je la faisais bouger avec une pelle ce serait la même chose que de la prendre dans ma main, et cela, c’était vraiment impossible. De toute façon, je ne n’aurais toujours pas su quoi en faire.

A propos de Helena Barroso

Je vis à Lisbonne, mais il est peut-être temps de partir à nouveau et d'aller découvrir d'autres parages. Je suis professeure depuis près de trente ans, si bien que je commence à penser qu'autre chose serait une bonne chose à faire. Je peux dire que déménagement me définirait plutôt bien.

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