Je n’ai jamais été sûre d’un lieu. Être sûr de là où l’on vit, cela s’apprend. Cela se familiarise, en gondole, en famille.
Nous c’était toujours un brouillon de vie commune, la broussaille, les tripes à l’air.
Pépé buvant depuis la guerre, arrivait ivre à la maison. Hurlait sur nous, fallait disparaître : sur les routes en chaussons, à la petite nuit, dans le jardin en plein silence contre le ventre des oiseaux, chez les voisins pour le café du soir. L’odeur du café, odeur soudain douce et finale comme petite mort de la violence. Le café, maison intérieure, mon électricité, mon eau revanche.
Avant de quitter mon lycée à Aulnay-sous-Bois, maison suprême que j’habitais chaque jour avec les élèves, avant de quitter le lycée, geste définitif, on devait rendre les clés à Carmen, on le fit en pleurant, elle par-dessus mes bras qui pleurait avec moi,
Tandis qu’entre deux portes, les élèves m’avaient offert
Une bouteille thermo dernier cri : c’est pour votre café madame.
Une maison dans la main, avec fumées rousses dans les yeux pour raconter, inépuisable, et raconter encore, dans les yeux ouverts qui se réfugiaient là, inépuisables, sous l’odeur de l’aube comme un arbre à palabres, tout oublier, dans les mots du café.
Whaou ce texte, ça fait tellement écho dès les premiers mots que je dois m’arrêter… « Nous c’était toujours un brouillon de vie commune, la broussaille, les tripes à l’air. » tellement vrai pour ceux qui savent ce genre de choses…
Et les mots du café, tout un monde qui s’ouvre là dans cette maison refuge…
Merci vraiment Françoise pour ça