Pendant longtemps je n’ai pas su habiter
0. Déjà le nom. Comment habiter son nom ? comment ajuster son corps à
un nom ? (quand enfant on se sent si étrangère à ce nom ou ce nom si étranger à soi).
1. Le souvenir d’avoir habité dans un jardin durant l’enfance, à l’abri des buissons, de l’ombre des arbres (un jardin mais pas une maison).
2. Habiter aussi un quartier, une zone pavillonnaire, sa monotonie (allées et venues dans le réseau des rues avec les premiers ami.es de préadolescence).
3. Être arrachée à sa ville natale à son corps défendant. Se trouver dans l’impossibilité mentale d’habiter une ville détestée (clinquant, poudre aux yeux et misère du Sud).
4. Habiter à plusieurs, colocations étudiantes (un lit dans une arrière-cuisine ou canapé déplié, déménagements fréquents).
5. Abriter sa solitude et ses angoisses (premières vraies autonomies).
6. Impossible d’habiter trop haut : le vertige, l’appel du vide.
7. Habiter un livre, s’y installer jusque dans l’inconfort, ne plus vouloir en sortir.
8. Ai fait souvent ce rêve récurrent d’appartements qui s’étirent derrière des portes dérobées, qui s’agrandissent en secret. Aime habiter cette pénombre cachée.
9. Habiter le silence.
10. Trouver sa place dans le monde, avec les autres, avec soi, sa petite place, sa place juste.
11. Ai rêvé aussi d’un lionceau qui naissait de sous le parquet d’un appartement où j’essayais d’habiter à Nice.
12. Habiter une bibliothèque comme Borges.
13. Quand mes enfants étaient petits, j’avais la sensation d’habiter autour d’eux, de leurs jeux disséminés par terre, de leurs interrogations.
14. Habiter est une sorte de miracle : être là simplement et boire un café en regardant par la fenêtre les feuilles d’un tilleul qui frémissent.
te visiter et te revisiter dans tes lieux
aller lire aussi le miracle des feuilles
et quelle magnifique entrée en matière avec le 0, le lionceau, Borges
(j’adore tout ça… salut Muriel)
Merci Françoise, je suis toujours très attentive à tes retours.
Commencer par habiter son nom. Je n’y avait pas pensé. J’aime beaucoup la fin : » être là simplement et boire un café en regardant par la fenêtre les feuilles d’un tilleul qui frémissent. » Merci Muriel
Merci beaucoup Gilda pour la visite et la lecture !
Coups de cœur : les 0 (fort), 4, 10, 11 (se surprendre à rêver aussi, avec vous) et 14 (j’aime ces petites choses de la vie, la simplicité comme vous le dites).
Et cette impression qu’il s’agit – dans chacun de vos fragments – de chercher / trouver sa place : dans son nom, le silence, un appartement, un livre, autour des enfants…
Merci Annick, très touchée par votre lecture. En effet, il s’agit chaque fois de de chercher / trouver sa place…
J’ai cliqué sur le mot « miracle » pour aller voir ! J’aime cette brièveté à l’os. Elle permet de creuser sans s’arrêter. Dégage une nécessité. Merci Muriel.
Merci Nolwenn pour la lecture ! Cette « brièveté à l’os » parfois je ne sais pas faire autrement…
Très emportée par toutes ces formes d’habiter, je me retrouve dans chacune depuis cette photographie et ce 0 et la question d’habiter son nom. Une écriture très essentielle et directe, et ça tient là, oui, dans cet os. Et en même temps je reste avec le désir d’en savoir davantage, de vous lire davantage! Merci.
Merci beaucoup Anna pour votre visite. Très heureuse aussi de découvrir vos textes.