#anthologie #03 | máquina

La máquina a été oubliée. Je la vois, toute inutile, dans les débris du chantier.  Máquina qui sert à quoi. À rien pour le moment. Des hommes s’en sont servi et cela a un rapport avec la construction de la maison. Puis ils l’ont oubliée. Elle leur manque peut-être. Peut-être se demandent-ils, où ? qui ? pourquoi ? Peut-être vont-ils devoir racheter une nouvelle máquina, lisse et brillante. Couteuse ? Peut-être que la máquina est à usage unique. La coutume voudrait qu’on l’abandonne dans les débris du chantier. Une sorte d’offrande. Tant qu’on ne vient pas la réclamer, elle m’appartient. Elle est à moi la máquina métallique. Elle est remplie d’une substance, comme du riz au lait, mais dur, dur ! Je me dis, la regardant bien par terre, mais sans la toucher encore, je me dis que oui je la rendrais. Si on me la réclame. Bien sûr je la rendrais à ceux qui l’ont oubliée, mais en attendant je vais la ranger. Ça pourrait servir. On ne sait jamais. La jeter serait une erreur. Il suffirait de la jeter, pour en découvrir l’utilité. En ressentir le besoin. Penser ah, la máquina, elle rouille dans un container à ordure, elle s’emplit de déchets ménagers, alors que là, je pourrais en tourner la manivelle et la rendre à sa vraie nature. La manivelle la rend attrayante. Il est agréable de s’imaginer tourner une manivelle. À l’intérieur de la máquina (tapissée de riz au lait durci, tout comme), des griffes sont attachées à l’axe de cette manivelle. Elles ressemblent, en plus grandes, à celles des boites à musique mécaniques qu’on achète dans les magasins de souvenirs des quartiers touristiques. Et ça donne envie, ça oui, ça donne envie de tourner la manivelle pour entendre le son de la máquina, même si on se doute que ce n’est pas l’objectif premier, qu’il s’agit bien d’un outil, que cet outil a un rapport avec la construction de la maison et qu’il a été oublié ou abandonné sciemment par les hommes du chantier. Je le sais bien que la máquina est un outil. Je le sais bien que la máquina n’est pas une boite à musique. Je n’ai pas trop d’attentes lorsque je me décide à tourner la manivelle. Mais je suis contrarié de constater que le riz au lait durci à l’intérieur de la máquina bloque le mécanisme pourtant rudimentaire. Ce qui devrait tourner ne tourne pas. Ça ne tourne pas. C’est bloqué. C’est muet. Muet.

A propos de Pedro Tarel

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