Le crayon papier ou crayon à papier ou crayon de papier comme s’il était fait de ce sur quoi il doit écrire, le crayon papier par définition est introuvable quand on en a besoin, on le cherche sur le bureau, sur le lutrin, parce que c’est sur les partitions souvent qu’on l’utilise, pour noter les dièses et les bémols oubliés, sur la table de la cuisine, dans le sac à dos, où est-ce qu’on a bien pu le fourrer, le crayon papier dont on a urgemment besoin parce qu’écrire au stylo ça ne se fait pas sur les partitions et sur les livres, il faut que ça soit effaçable au plus vite, et c’est peut-être pour ça que ça disparaît, un crayon papier, parce que ça s’efface, comme si la gomme au bout du crayon papier avalait le crayon papier, mais la plupart des crayons papier n’ont pas de gomme au bout, ils se perdent dans les poches des pantalons, on les retrouve dans la machine à laver, cassés en deux, on essaie de les tailler mais la mine se casse sans cesse et quand la mine est trop bien taillée, le crayon papier pique, on se blesse en le sortant de la poche du pantalon, et il faut bien réfléchir avant de fourrer un crayon papier dans la poche de son pantalon à la longueur du crayon papier, les plus pratiques étant ceux qu’on pique chez Ikea, qu’on emporte par poignées pour constituer un stock de réserve qui s’épuise aussi rapidement qu’il s’est constitué parce que plus les crayons papier sont courts plus ils se perdent facilement, on les oublie sur le bureau du boulot, sur le lutrin du conservatoire, dans un tiroir, dans la table de nuit, dans les tuyaux de l’aspirateur, puis ils réapparaissent quand on avait perdu tout espoir de les retrouver, miracle du crayon papier toujours là où on ne l’attend pas, défiant toute logique spatio-temporelle, crayon papier ou baguette magique, le crayon papier n’ayant de sens que quand il disparait sous l’écriture, fondu entièrement dans le papier, devenu vraiment crayon de papier.
J’aime « c’est peut-être pour ça que ça disparaît, un crayon papier, parce que ça s’efface »
et aussi à la fin du texte : « le crayon papier n’ayant de sens que quand il disparait sous l’écriture, fondu entièrement dans le papier, devenu vraiment crayon de papier. »
Merci
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