Dès qu’on quitte les longs couloirs, une étrange lueur de sable commence à essaimer le hall. On se dirige vers les baies vitrées, les portes automatiques ouvrent le paysage, et le vent brusque nous engloutit dans sa lumière. Nous sommes dehors, les quelques âmes qui rôdent là avec nous commencent à s’asseoir à même le sol contre le mur. Un énorme vasque remplie de sable et de mégots trône triomphalement devant nous. J’ose à peine la regarder comme on baisse les yeux devant la statue du temple. Chaque reste de cigarette est un résidu de traîne-tristesse venue descendre là en savates, pour s’étioler dans l’air frais, et reposer parmi les autres mots de bouches. On compte globalement des yeux les bouts déteints, écrasés, ces verdicts consentis, les nouvelles amères, isolés les uns des autres, presqu’à distance égale. On n’ose pas déranger, on pose à côté son brûle-cœur, sans pousser ce qui est resté de la pause d’un autre, cette trace d’isolement, un mégot enfoui dans le sable. Devant l’urne géante, c’est un peu comme si on se recueillait ensemble, tendres et silencieux, devenus halos de fumée bleue. Avec l’encens, et bientôt les libations.
Merci pour cette poésie qui en dit long sur les mégots dans la vasque
Un grand merci Raymonde !! ai lu votre texte avec beaucoup de plaisir !
fumer permet de découvrir de beaux espaces 😉
Merci beaucoup Philippe
je ne fume quasiment plus, mais ai gardé cette solidarité silencieuse, l’attente fixe, le décor, l’intérêt prolongé aux choses
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