L’écorce de l’arbre était à terre, une écorce d’un pin d’Alep immense, épaisse et longue, à la texture rugueuse d’un marron-tabac. L’ombre de l’arbre répand une douce fraîcheur. Le chant des cigales résonne. Dès que j’ai vu cette écorce, je l’ai ramassée, je l’ai tenue dans ma main, j’ai pensé, je vais la garder avec moi, ce sera un souvenir de ce voyage sur l’île Sainte-Marguerite. Cette écorce est souvenirs, un souvenir d’une belle journée, souvenir le long de chemins sablonneux, souvenir de baignades dans de petites criques, souvenir du chant des cigales invisibles si présentes, et triste souvenir. Quand j’ai ramassé l’écorce, je ne pensais pas qu’elle me rappellerait ce petit cimetière ressemblant à un parc pour chiens, sans nom, sans plaque, quelques pierres blanches marquant au sol le supposé emplacement d’un corps. Un cimetière sans humanité, me révélant violemment les conditions de vie et le traitement réservés à ceux qui sont enfouis ici. Sur l’île furent détenus des huguenots, le célèbre homme au masque de fer et les « indigènes » ayant résisté à la colonisation de l’Algérie. Je caresse l’écorce. Les cigales chantent rageusement, l’air tiède, le ciel bleu, les fantômes lisent par-dessus mon épaule. L’écorce remplit toute la paume de ma main.