La femme en haut d’un escabeau, un clou dans la bouche, un marteau dans la main droite, ajuste un crochet sur le crépi neuf du mur blanc ‒ années soixante-dix, crépi intérieur blanc cassé rustique avec ses irrégularités, ses creux, ses pointes ‒ au dessus de l’insert cheminée entouré de briquettes flammées orange, quelques bûches empilées dans la niche aménagée à gauche. A droite de la cheminée une télévision épaisse remplit l’espace jusqu’à l’angle de la pièce, posée sur une tablette de bois à côté d’une pile de journaux. Sous la tablette une platine vinyle remplacée par un magnétoscope remplacé par une box. La baie vitrée occupe le tiers du mur adjacent, vue sur les montagnes au loin ‒ peut-être moins de neige qu’autrefois ‒ et sur le saule pleureur encore trop maigre pour abriter une table sous son ombre ‒ et sur le saule pleureur assez grand pour abriter du soleil la grande table des déjeuners d’été ‒ et sur le saule pleureur qui lui bouche la vue sur les montagnes (et qui viendra le tailler ?). Devant la baie vitrée deux fauteuils recouverts de velours marron et de poils de chat, le chat numéro deux ne peut plus passer par la chatière située sous la baie vitrée pour un accès direct sur le balcon, trop gras. Un châle de laine rouge est posé sur le dossier du fauteuil qui fait face à l’écran plat. Un pan de mur sépare la baie vitrée de la porte fenêtre, les aspérités du crépi sont un peu émoussées un peu grises, la poussière se loge dans les creux, difficiles à nettoyer. Contre ce mur un buffet ‒ bas en châtaigner massif, deux tiroirs ‒ sur lequel sont exposées les dernières cartes postales reçues, des photos d’enfants, la photo d’un homme, un pot à crayon, une pile d’enveloppes ouvertes, de courriers, de catalogues, un bloc notes à petits carreaux et, dans un panier en osier, des clés, des pinces à linge, des crayons de papier à la mine cassée, des trombones parfois tordus, des montres arrêtées, un roi de trèfle corné, une gomme à deux couleurs ‒ rose et bleu ‒ , une pièce de cinq francs remplacée par une pièce de deux euros. Un tableau numérique ‒ nous sommes le jeudi 20 juin 2024 matin ‒ remplace la pendule. La porte fenêtre double encadrée de rideaux de dentelle ouvre sur le balcon, les montagnes, le saule pleureur. A sa droite dans l’encoignure est logée une desserte assortie au buffet bas ‒ châtaigner massif ‒ la corbeille de fruit remplacée par un pilulier à sept casiers chacun renfermant des comprimés colorés de tailles variées. Dans son prolongement, séparé par une fenêtre donnant sur l’autre partie du balcon et sur la maison voisine, un buffet haut assorti au buffet bas et à la desserte ‒ châtaigner massif ‒ contient peut-être encore la vaisselle et les boîtes de gâteaux. La porte d’entrée se trouve entre ce meuble et le mur d’angle, un bâton de marche posé dans le coin sous un gros porte clés en fer forgé accroché au mur, porte bien des clés sans se rappeler lesquelles. En prolongement une ouverture vers la cuisine qu’un rideau accordéon en PVC peut masquer pour contenir les vapeurs et les odeurs puissantes des repas en préparation, reste ouvert, inutile. Devant ce dernier mur, celui qui rejoint la cheminée, un violoncelle sur son support ‒ désaccordé sûrement ‒ et un fauteuil en velours marron dans lequel la femme s’est endormie, une couverture et le chat sur les genoux.
2 commentaires à propos de “#anthologie #02 | vue sur les montagnes”
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Voyage spatial et temporel, ce temps qui passe à travers cette perlustration circulaire et la femme qui entretemps c’est endormie. Belle surprise, comme le violoncelle qui apparait!
Merci.
Merci beaucoup Anna, je découvre » perlustration » et j’aime.