#anthologie #02 | Pourquoi ouvrir la fenêtre alors qu’il ne faut pas.

Il serait chez quelqu’un qu’il aimerait aimer. Le matelas nu, baigné dans la lumière de mai. Le sommier, à vif lui aussi, n’appartiendrait plus à personne. Pas plus que la penderie réduite à son squelette. Des sacs poubelles de gros volumes à force de tout engloutir, enfoncés dans le plancher, tenus à distance des murs et des plinthes, comme tous les meubles de la pièce ; bibliothèque, banc de lit, guitare – personne n’aurait pensé à la sortir de là, imaginaire infesté jusque-là. Après consigne, tout tenu à distance des murs et des plinthes, là où Elles se trouveraient à coup sûr – rien de garanti mais il faut bien donner des réponses à ceux qui en attendent : c’est en suivant les plinthes qu’on en arriverait à bout. On ferait le nécessaire. C’est en suivant les plinthes qu’on arriverait à Lui, à sa machine d’abord, prête, déjà fumante, posée à ses pieds, puis à son masque qu’il terminerait de fixer sur son visage en faisant grincer ses caoutchoucs. Ses traits, jeunes, qu’on imaginerait seulement à partir de son regard que sa combinaison gris, verte et avare nous donnerait seulement à voir. Ses yeux posés sur la fenêtre qu’il ne devrait pas ouvrir sinon à quoi bon tout ce cirque, tout cela reviendraient et lui serait bien obligé de revenir aussi. Le bruit que font ses gants en plastique en attrapant sa machine. Son doigt sur la gâchette et l’avalanche de brume poisseuse qu’il déverse, d’abord sur les plinthes, puis sur le matelas qui disparait dans le brouillard. Disparu aussi le sommier. Avalée la bibliothèque, envolés le banc de lit, les sacs poubelles de gros volumes qui lui cachent, pour cette fois, ce qu’il aurait voulu voir. Ce qu’il aurait voulu voir d’elle. Englouti le soleil de mai, son reflet sur le vieux plancher mal verni, quand elle posait toute ses questions, l’angoisse dans la voix, et ses réponses à lui pour l’apaiser, tout se passerait sans accroc si l’on respectait les consignes. Disparu aussi dans l’avalanche ce visage-là qui depuis ne l’aurait pas quitté, disparues toutes ces phrases qu’il aurait aimer dire à la place de ces consignes absurdes, les mêmes qu’il donne à tant d’autres. Cette fois, il est chez quelqu’un qu’il aimerait aimer. Alors dans son brouillard, il s’approche de la fenêtre et l’ouvre.

A propos de James Hardy

Auteur imaginé par un scénariste de télévision. Le premier n'écrit pas assez au goût du second qui, lui, devrait balayer devant ça porte. Tous les deux font des fautes mais se trouvent toujours des excuses.

Laisser un commentaire