#anthologie #02 | L’avancée

Ce pourrait être une pièce, même si elle n’a pas tous ses murs. Elle a un sol : rustique, de larges pierres plates, chacune ayant sa forme propre et des couleurs de schistes, elles pourraient être dans le lit d’une rivière,caressées par les courants voire même creusées en chaudrons par des galets ricochant en tourbillons, non ici, elles ont été taillées assemblées, nivelées dans une chape de ciment, scellées pour une certaine éternité, abritées un plafond en deux parties, lambrissé; en contact régulier avec plus de semelles que de plantes de pieds qui craignent certaines de leurs tranchantes irrégularités, elles jouxtent un pan de lisse carrelage des herbes folles, trèfles aventureux, sage gazon et une allée de gravier.
Au centre une table monastère, deux bancs et des chaises dépareillées, tout ce bois n’a pas la même résistance au plein air, chacune expose vernis, patines, pâleurs, piquetage de mouches ou moisi.
Un peu plus loin une table basse et de petits fauteuils
L’espace peut aussi bien être animé qu’un espace à soi, à l’abri du regard, une haie brise-vent à été plantée pour que les yeux se perdent dans le vert alentour et endiguent les torticolis des courants d’air de fin et début de saison
Peuvent s’inviter dans cet espace ouvert
La famille, les amis, les connaissances, et aussi les fantômes de ceux qui ont ou non un temps partagé cet espace
Les tire d’ailes de moineaux qui guettent les baisses de vigilance pour ramasser les miettes en direct sur la table
Les effluves des gambas flambées au pastis sur la plancha, leur vapeur piquetée de gouttes d’huile
Les lierres, passiflores et rosiers grimpants qui colonisent les piliers, chacun sa voie, son versant
Les feuilles mortes du liquidambar dans leur chatoiement coloré qui coïncide avec le début d’hivernage du lieu
Le ballon projeté qui aurait bien pu tout déglinguer, tableau et bibelots divers ramenés des voyages, glanés, chinés ça et là
Les vents de tous bords qui bousculent la lampe tempête au risque de l’en décrocher
Les gouttes des pluies rabattantes ou celles qui perlent à travers le carrelage poreux du balcon et ressort à travers le lambris
Les rouge-gorges qui nichent dans les rebords inaccessibles, royaumes des araignées
Même les frelons, celui qui s’étourdit contre l’ampoule jusqu’à chuter dans les assiettes aussi bien que celui qui guette patiemment une baisse de vigilance pour foncer et piquer la peau dans son plus tendre pli
Et le merle, en approche, à l’abri derrière les ombrelles de fleur de sureau en attendant que celui-ci ne devienne volière à mésanges lors de sa fructification…

A propos de sophie grail

Après une grande vingtaine d’années en région lyonnaise, vis depuis bientôt une petite entre Léman, vallée verte et blanches montagnes... sans renier racines ardéchoises et tête en terres corses, balinaises ou cévenoles... dévoreuse ou passeuse de livres, clame haut et fort les mots des autres ( accompagne aussi depuis quinze ans les élèves de CM2 à jouer avec les leurs et en apprivoiser d’autres) sans jamais trop extérioriser les miens (sauf en labyrinthiques cérémonies secrètes). Alors sourire de me livrer en tiers-livre sans pseudo ni hétéronyme ... (Interviens discrètement sur Facebook via Sophie Sopibali)

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