#anthologie #02 I Volutes

Elle s’octroierait une pause dans son ménage quotidien, le temps que les sols sèchent. Assise dans un fauteuil en skaï marron recouvert d’une taie en crochet, elle allumerait sa deuxième cigarette de la matinée. Elle en savourerait la première bouffée en la retenant longuement dans sa cage thoracique puis l’expulserait en un long jet immédiatement happé par un courant d’air venant d’une porte ouverte à sa droite qui donne sur un couloir sombre où s’interrompt, fixé au sol par une barre de seuil métallique, le linoléum beige du salon. Un guéridon étroit supportant une plante verte à grosses feuilles. Une seconde porte, tapissée d’un papier peint à motifs fleuris, ouvre sur un placard où un téléphone en bakélite grise, où l’annuaire de la Saône-et-Loire, où quelques bouteilles d’apéritif. Une troisième porte, donnant sur un petit perron, est occultée par un rideau anti-insecte constitué de lanières torsadées en PVC de couleur orange. Au centre de la pièce, une table en bois massif recouverte d’une nappe bulgomme rouge. Six chaises autour de la table. Les dossiers sont en bois vernis. Un voilage de percale légèrement jauni devant une porte-fenêtre. Dans l’angle, l’écran éteint d’une télévision. Posés sur des napperons : une figurine de chat incrustée de coquillages, un petit panier de fruits en céramique. Un buffet en bois dont les portes représentent des cervidés buvant à la rivière. D’autres bibelots, plus nombreux, posés dessus, dont : une corbeille en céramique contenant des coupures de journaux, un âne tirant charrette, une poupée alsacienne. Au mur, une reproduction de l’Angelus de Millet réalisée au crochet. Un deuxième fauteuil en skaï marron sans appui-tête, une table basse où sont posés une télécommande ainsi qu’une pile de magazines : télé 7 jours, Paris-Match. Les volutes de fumée seraient en suspension dans le salon. Elle écraserait son mégot en soupirant puis se lèverait pour aller préparer son repas de midi.

A propos de Pedro Tarel

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