#anthologie #02 | En bateau

Du haut des trois marches de la descente, capot repoussé, on voit tout le carré. Elle est assise sur la banquette, ordinateur portable ouvert posé sur la table avec rebords pour empêcher les objets de glisser. À sa droite, rideau tiré sur la soute à l’avant. En face d’elle, les casiers avec la vaisselle dépareillée, assiettes creuses et bols, pas de verres mais des tasses en plastique et quelques gobelets récupérés sur des événements aux couleurs, noms et logos disparates. Sur les coussins, sous le sachet en papier, des miettes de pain, lampe pincée sur la demi-cloison plus foncée là où on pose ses mains, où on s’y agrippe, bouilloire bloquée sur le gaz, évier avec son bec sans robinet, une tasse sale, odeur de café, en bas sur le plancher, la pompe à pied. Torchon pendu à un crochet juste à côté de l’échelle de la descente, on voit dehors, troupeau de nuages paisibles, pataras avec drapeau, bastaques et un morceau de la bôme, de la grand-voile ferlée. Entre les marches, rouge, l’étouffoir du moteur. À gauche de la descente, la couchette cercueil, un duvet roulé en boule. Sur la table à carte, cahier ouvert, crayon pendu au plafond par une ficelle, Bic cristal mâchouillé, lampe orientable emballée de papier rouge. Autre lampe pincée sur la demi-cloison plus foncée là où on pose ses mains, où on s’y agrippe, dans le casier de l’autre côté les documents de navigation obligatoires, instructions nautiques et livres des feu, almanachs, la boîte du sextant rangée avec soin et d’autres livres, poches sans couverture ou cornés, pages gondolées par l’humidité qui surveillent ce qu’elle écrit, les mots qui apparaissent sur l’écran de l’ordinateur portable posé au milieu de la grande table du carré