#anthologie #02 | De la cuisine

Il serait devant la fenêtre de la cuisine, il donnerait dos à la pièce, sa haute stature comblerait presque l’entièreté de la fenêtre laissant libre un bout de toit de l’immeuble d’en face et un bout de ciel. Le reste de la cuisine comme une poche géante s’étalerait derrière lui. Tout près de lui à sa droite, la machine à café noire à la buse chromée posée sur un meuble calé dans le recoin dont la particularité serait qu’il a été conçu pour que la fenêtre puisse s’ouvrir totalement et sur ce meuble, il y aurait aussi une bouilloire noire, un pot à café aux trois quarts vide ouvert, grand bocal à vis recyclé dont la cuillère-dose noire dans sa partie aplatie sortirait du pot. Si l’homme se tournait il verrait sur la longueur du mur deux chaises en bois noires de part et d’autre d’une petite table en demi-lune collée au mur et sur cette table un fatras d’objets posés là au hasard des courses, des allées et venues. Deux tasses dépareillées, une avec anse vert d’eau et l’autre plus fine, plus haute, œuvre d’un potier, un grand vide-poche en raphia coloré venu du Sénégal, des sachets papier kraft pliés en quatre dedans, un grand sachet transparent contenant des herbes sèches, sur le devant une grande étiquette Kinkeliba avec son mode d’emploi, le prix écrit à la main 2,99€, derrière contre le mur un journal posé, plié dont on distingue un fond noir et des taches orange, on peut lire à l’envers Fête de la musique en jaune orangée. Deux petits paquets de mélange d’épices, un couché et l’autre debout, un couteau à pain, un papier plié en deux, petit rectangle blanc en équilibre sur un tube blanc de vitamines couché, une gourde design aux couleurs chatoyantes debout, des lunettes à la monture en faux écailles, un stylo offert d’une marque. Après la deuxième chaise peinte en noir, la porte blanche à carreaux vitrés ouverte sur le couloir et face à ce mur, la cuisine proprement dite avec son frigidaire, ses tiroirs, ces meubles, ses étagères encombrées et au bout, l’évier près de la fenêtre ouverte où se tiendrait l’homme. Sur la table de travail qui suit l’angle aplati du mur, de part et d’autre de la plaque de cuisson un lourd pilon ancien, un pot de miel vide, un couvercle de bocal, un petit plateau ébréché, un repose-plat bleu cassé et recollé, une boîte de 4 œufs en papier mâché vide, un porte-couteaux en bois clair dont seuls les manches dépassent, une théière blanche et chrome, un paquet de riz gluant de 1 kg, une grande boîte à épices en fer blanc au couvercle transparent comme les Indiens en ont dans leur cuisine, deux bouteilles d’huile, une de sésame et l’autre plus ventrue d’olive, une petite de vinaigre balsamique, un grand pot en bois à la vingtaine de spatules hétéroclites, une petite boîte orange de gâteaux orientaux, une radio grise dont l’antenne courte montre la prise électrique et son fil noir, un petit couteau office, l’évier avec son robinet col-de-cygne, le liquide vaisselle, une éponge bleue fatiguée, une brosse à légumes et devant la fenêtre ouverte, l’homme aurait disparu, sur le balconnet il y aurait, regardant l’intérieur de la pièce, une pie.

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