#anthologie #02 | chose

Elle serait allongée dans son lit, le buste relevé, maintenu droit par deux coussins. Elle viendrait d’interrompre sa lecture, de  poser le livre sur ses jambes, un stylo en plastique transparent et bouton pressoir bleu servant de marque-page. Sur le drap, on apercevrait une paire de lunettes aux branches repliées.  Elle regarderait, posés par terre à sa droite,  trois piles de Maigret, un carnet à couverture rouge-framboise tenu formé par un élastique, un plus grand, souple, à couverture noire, granuleuse, un chargeur de téléphone, un bidon Thermos, le carton central d’un  rouleau sopalin terminé, une lampe à l’abat-jour en partie recouvert d’un t-shirt vert olive. Puis son regard se dirigerait vers la malle en bois et fer clouté, recouverte d’un fatras d’objets qu’elle aurait entassés là. Dans un pot en terre,  deux bics bleus et deux bics rouges, un Waterman en acier, deux crayon à mine en plastique avec gomme  au bout, une pile de carnets, celui du dessus à pois blancs sur fond rouge, une autre pile de carnets, de guingois, celui du dessus à l’ouverture quadrillé, mauve, une troisième pile faite pèle-mêle de livres et de carnets Rhodia, deux paquets de Kleenex entamés, deux boites en carton de cartouches à encre Waterman, encore dans leur emballage plastique, un casque, un réveil électrique, un tube de paracétamol. Son regard poursuivrait sa course circulaire. Porte-fenêtre et volets en bois bleu, au bleu fané par le soleil, une commode contre le mur d’en face. A cette distance, elle ne pourrait distinguer les visages sur les photos, les dessins des bols, les galets et coquillages entassés. Une masse sombre, la housse du saxophone. Puis le regard de myope balaierait la bibliothèque, des livres rangés horizontalement dans les rayons du bas. Se détacherait la tache orange de la valise à roulettes. Le bureau devant le mur de gauche, planche et tréteaux, dessus, un voilier en bois  de grande taille à côté d’une affiche d’un Kandinsky,  sur le pont du bateau une carte postale, une photo et devant, un range lettres en bois qui déborde de papier, d’enveloppes, de photos, de cartes postales, la première, l’École d’Athènes, mais impossible à cette distance de d’identifier qui que ce soit, une bouteille en plastique Orangina, une lampe en fer jaune. Un fauteuil capitonné, tissu vert anglais, des motifs indistincts depuis le lit – la chambre serait vaste, la myopie avancée –  sur les accoudoirs des vêtements, sur le dossier également. Un renfoncement, une porte entrouverte. Le mur chaulé. De la main gauche, elle chercherait le livre, enlèverait le stylo en plastique transparent et bouton pressoir bleu, et reprendrait la lecture de l’Ombre chinoise.    

A propos de Betty Gomez

Lire certes, mais écrire...

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