#anthologie #01 | variation Open Space

Sortir. S’extraire du RER. Nanterre Préfecture. Monter l’escalier. Suivre le couloir. À l’ammoniaque encore dans les oreilles. Glisser son Navigo pour ouvrir la porte de sortie. Prendre l’escalator. Voir apparaître l’immeuble aux carrés jaunes de la place Nelson Mandela. Avancer sur le parvis. Écouter les pas salariés résonner en rythme. Regarder derrière soi le soleil levant fiché sous l’arche de la Défense. Hésiter à prendre un croissant industriel pour un ersatz de plaisir. Préférer garder sa faim jusqu’à midi. Descendre le boulevard des Bouvets jusqu’au numéro un. Entrer dans l’immeuble, pas tout à fait une tour. Entrer dans l’ascenseur, garder les portes ouvertes pour laisser passer un collègue. Sourires polis. Sentir son corps se contracter à l’arrivée au troisième. Entrer dans l’Open Space. Quatre rangées de tables où travailler face à face, assis en chiens de faïence. Lumière des immenses baies vitrées. Il est tôt, il y a encore peu de monde. Aller ouvrir son casier. Attraper ordi, pot de stylos et cahier. S’installer près des fenêtres où il y a moins de passage. Retirer les écouteurs. Ouvrir l’ordinateur et pendant qu’il démarre aller dans la salle au babyfoot. Remplir la bouilloire. Attendre le bouillonnement de l’eau en supportant le langage so cool du boss juché sur un haut tabouret face à un de ses courtisans. Filer avec son mug de thé bouillant. S’asseoir à sa place, ouvrir ses dossiers. Remettre les écouteurs. La mémoire et la mer pour s’abstraire de ce panoptique d’entreprise.

Revisiter, grâce à la consigne, les arrivées dans l'Open Space lors des dernières semaines avant le licenciement économique. Aimerait prendre un peu de temps pour creuser ce sillon mais quand ? déjà la proposition #02 m'appelle...

A propos de Muriel Boussarie

Je travaille sur un chantier d’écriture au long cours et j’espère avoir assez de souffle pour le mener à terme. L’intuition de ce projet a surgi ici, dans un atelier du Tiers Livre. Il était question de se perdre dans la ville. Comme je ne voulais pas suivre une piste trop autobiographique, j’ai délocalisé l’errance en la situant dans la ville de K., un avatar de Hong Kong qui m’avait tant fascinée. Alors un personnage, un homme, Tu, toujours interpellé, est immédiatement apparu dans une rue de K. où il s’était égaré. Malgré cette entrée en matière – très forte pour moi – je n’ai pas pensé au départ écrire une histoire, encore moins un livre. Mais je voulais écrire, rêver un univers, celui de K. Quelques textes ont ainsi vu le jour sur mon blog. Puis lors d’un nouvel atelier de François Bon, un fil d’histoire plus précis s’est ébauché : le départ de Tu et L. vers les îles pour fuir la dictature qui sévit à K. À ce moment-là s’est déclenché un grand désir de narration. Beaucoup de choses se sont précisées au fil de l’écriture, bien des personnages sont apparus… Et régulièrement j’utilise des consignes de l’atelier comme pistes pour développer mon récit.

7 commentaires à propos de “#anthologie #01 | variation Open Space”

  1. On fait chemin avec vous.
    Et ces petites touches, l’attention que vous portez à ce qui défile sous vos yeux :  » l’immeuble aux carrés jaunes », « le soleil levant fiché sous l’arche de la Défense », « Sentir son corps se contracter à l’arrivée au troisième ».
    Beau texte.

    • J’espère que tous les open space ne sont pas comme celui-là qui était terrible. Merci pour votre passage, Anne. Je vais aller vous lire

  2. En plein concret ! Merci de nous donner sans concession cette réalité-là. Nous partageons le passage de borne de contrôle Navigo
    dans cette proposition.

    • Merci beaucoup Nolwenn. C’était une réalité particulière, désagréable à vivre quotidiennement tout en donnant beaucoup à apprendre sur l’humain

  3. Rétroliens : #anthologie #03 | le stylo-plume – le Tiers Livre | écrire, publier, explorer